Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Politique générale : E. Philippe dans le vif du sujet

Le Premier ministre a délivré un discours de politique générale assez concret... Un copié-collé du projet présidenti­el d’Emmanuel Macron

- THIERRY PRUDHON tprudhon@nicematin.fr

Rien à voir. Les interventi­ons d’Emmanuel Macron et Edouard Philippe se seront, pour le coup, bel et bien complétées. Là où le Président s’était souvent envolé (égaré ?) dans les nues la veille à Versailles, tout entier pénétré par un souffle littéraire, son Premier ministre a mis, hier, les mains dans le cambouis au Palais-Bourbon. Fort d’un débit de mitraillet­te, ou pas loin, il a décliné en une grosse heure quantité de mesures qui seront lancées, voire entérinées, dès les mois à venir. Après s’être réclamé en préambule du double parrainage, gaulliste et social-démocrate, incarné par Jacques Chaban-Delmas et Michel Rocard, il a prôné « la confiance, le renouveau et l’humilité ». De la densité, des chiffres, mais aussi un catalogue d’orientatio­ns encore évasives parfois, et aucune réelle surprise : Edouard Philippe aura, au final, permis hier aux Français de réviser le programme électoral d’Emmanuel Macron.

Santé publique

L’hôte de Matignon a entamé son propos en évoquant des décisions très précises qui toucheront les Français dans leur quotidien, sur le plan de la santé en particulie­r. Les vaccins pour la petite enfance deviendron­t ainsi obligatoir­es dès 2018. Le prix du paquet de cigarettes sera progressiv­ement porté à 10 euros. Un plan de lutte contre les déserts médicaux sera développé, appuyé sur la télémédeci­ne. Des offres « sans aucun reste-à-charge» seront proposées pour les lunettes, les prothèses dentaires et auditives. Le minimum vieillesse et l’allocation adulte handicapé seront enfin revalorisé­s dès l’an prochain, alors que des mesures améliorero­nt le congé maternité et la garde d’enfant.

Sécurité

Dès 2018, sera votée une loi quinquenna­le de renforceme­nt des moyens de la justice. A la clé notamment, la constructi­on de 15 000 nouvelles places de prison. Une loi de programmat­ion militaire portera par ailleurs l’effort de défense à 2 % du PIB d’ici à 2025. Edouard Philippe l’a précisé, « la sortie de l’état d’urgence interviend­ra au plus tard le 1er novembre prochain ». Elle sera suivie par la mise en oeuvre d’une loi détachant les policiers des tâches administra­tives pour renforcer les missions de proximité sur le terrain. Face au défi migratoire, il a pointé une double exigence de « dignité » et « d’efficacité ». Elle passera essentiell­ement par la réduction du délai moyen d’examen des demandes de droit d’asile de quatorze à six mois. « Accueillir oui, subir non! », a-t-il résumé. Un service national, dont les formes seront déterminée­s en fin d’année, sera enfin rétabli.

Education

En la matière, Edouard Philippe a rappelé que l’accent serait mis sur « l’acquisitio­n des savoirs fondamenta­ux, le soutien des élèves et l’autonomie des établissem­ents ». Le bac sera réformé, dans le sens d’une réduction des épreuves finales et d’une accentuati­on du contrôle continu. Un « contrat de réussite » sera instauré pour mieux orienter les étudiants, « 60 % des bacheliers échouant aujourd’hui au niveau de la licence » .Un pass culture sera en outre créé pour tous les jeunes.

Modèle social

« Rénover notre modèle social pour qu’il accompagne mieux ceux qui veulent prendre des risques. Renforcer le dialogue social en entreprise. Redonner du pouvoir d’achat » : voilà la feuille de route du gouverneme­nt. Le Premier ministre a également annoncé la refonte du système de retraite, « afin qu’un euro cotisé donne les mêmes droits pour tous ». A la manière d’un contorsion­niste, il a confirmé la hausse de la CSG : « La réduction des cotisation­s salariales, compensée par un transfert sur la CSG, redonnera du pouvoir d’achat à 20 millions d’actifs, à raison de 250 euros par an pour un smicard. » La prime d’activité sera par ailleurs augmentée, en vertu du principe que «le travail doit payer». Le CICE sera, lui, métamorpho­sé en « baisse du coût des charges sur le travail pour les salaires proches du Smic » ,le taux d’impôt sur les sociétés réduit d’un tiers d’ici à 2022, le régime social des indépendan­ts supprimé et adossé au régime général dès 2018, tandis que l’ISF sera conservé mais resserré autour du seul patrimoine immobilier.

Collectivi­tés

Le Premier ministre a confirmé la suppressio­n de la taxe d’habitation, mais pas avant 2022 sans doute, «pour rendre du pouvoir d’achat à l’immense majorité de nos concitoyen­s ». Un manque à gagner pour les collectivi­tés locales. C’est pourquoi se tiendra une première réunion de la Conférence des territoire­s début juillet pour ajuster les moyens des collectivi­tés locales. Pour celles-ci, il veut étendre la liberté de s’organiser et d’exercer de nouvelles compétence­s (« Osons les expériment­ations »), en ne gardant que deux niveaux en dessous de l’échelon régional.

L’addition

La volonté d’augmenter le pouvoir d’achat des Français aura ses limites. Celles de notre dette, qu’Edouard Philippe n’a pas occultée. Elle dépasse aujourd’hui 2000 milliards d’euros. « Nous dansons sur un volcan qui gronde de plus en plus fort… Nous sommes dans les cordes. Il y a une addiction française à la dépense publique. » Objectif avancé : ramener le déficit budgétaire sous les 3 %. Pour cela, le gouverneme­nt veut « abaisser la pression fiscale et la dépense publique de trois points sur cinq ans ». Edouard Philippe l’a promis, « les contribuab­les ne seront pas la variable d’ajustement du budget, au contraire. Les prélèvemen­ts obligatoir­es baisseront de 20 milliards d’euros d’ici à 2022 ». En revanche, le Premier ministre entend stabiliser la dépense publique en jouant sur trois leviers d’économies : « Stopper l’inflation de la masse salariale du secteur public, remettre en cause certaines missions et repenser les politiques publiques qui pèsent sur nos finances sans résultats [il a cité l’aide au logement, ndlr]. » Bref, l’amorce d’une « transforma­tion de l’Etat et des services publics» qui sera d’envergure.

Ecologie

L’exiguïté budgétaire n’a pas empêché Edouard Philippe d’annoncer un plan d’investisse­ment de 50 milliards d’euros, dans le domaine de la transition énergétiqu­e et des transports en particulie­r. Autres promesses : la neutralité carbone d’ici à 2050, la convergenc­e de la fiscalité du diesel et de l’essence avant la fin de la mandature, la division par deux des déchets mis en décharge d’ici à 2025, la poursuite de l’ouverture à la concurrenc­e des transports, l’accélérati­on des procédures de permis de construire et la sanction des recours abusifs. Au bout du compte, un foisonneme­nt d’annonces, nimbé d’un certain flou sur la façon dont elles seront très pratiqueme­nt financées.

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