Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Woody Allen: « Je suis un musicien du dimanche »

Le cinéaste américain délaisse le montage de Wonder Wheel avec Justin Timberlake et Kate Winslet pour une petite tournée européenne avec son groupe de jazz. Il sera demain à Antibes

- PROPOS RECUEILLIS PAR ROBERT YVON ryvon@nicematin.fr

Woody Allen jouait de la clarinette bien avant d’avoir touché sa première caméra. Pour lui, cet instrument n’est qu’un loisir. Mais Eddy Davis, leader d’un New Orleans Jazz Band, voit les choses autrement. Il a proposé au cinéaste de venir le rejoindre, chaque weekend, sur la scène du Cafe Carlyle de “Big Apple”. Woody s’y produit régulièrem­ent depuis plus de trente ans. La semaine prochaine, il s’offre une petite tournée en Europe. Il se produira demain soir, en exclusivit­é française, au théâtre Anthéa d’Antibes où il avait déjà posé ses valises en 2013. Avant son arrivée en France, Allen s’est confié en exclusivit­é depuis sa cabine de montage à New York.

Qu’avez-vous fait ces dernières semaines ?

Je viens de terminer le tournage, à Coney Island, de mon prochain film intitulé Wonder Wheel .Ce n’est pas une comédie, mais un film dramatique dont l’action se situe dans les années cinquante à New York. Justin Timberlake joue le rôle d’un maître nageur. Il y a aussi Kate Winslet. Le film sortira aux États-Unis en décembre pour mon anniversai­re [en France le  janvier, ndlr].

La bande-son sera jazz, comme dans la plupart de vos films ?

Évidemment. Plus précisémen­t, il y aura de la musique des années  et .

Comment choisissez-vous vos musiques de cinéma ?

J’ai une collection de disques à la maison. Je conserve tout ce que j’aime. Lorsque je filme, je pense aussi à l’illustrati­on musicale. Je pioche dans mes disques de jazz en pensant au son qui sera le plus approprié à la scène que je viens de tourner. C’est comme cela que je construis, depuis toujours, mes bandes originales.

Comment avez-vous découvert le jazz ?

En écoutant beaucoup de disques dans ma jeunesse. Et puis, un jour, j’ai vu Sidney Bechet. J’étais adolescent. Je suis allé l’écouter dans un club à New York. J’ai attendu, entre deux sets, pour lui demander un autographe. Je vous jure que c’est vrai. Je n’ai jamais eu cet autographe… parce que j’étais trop impression­né pour le lui demander. J’étais déjà tellement heureux qu’il me parle ! Pour moi, c’était essentiel. En fait, j’ai appris le jazz au contact des musiciens et en écoutant des disques. Comme aujourd’hui encore. Il ne faut pas croire que je n’écoute que du New Orleans : j’aime aussi beaucoup Coltrane, Ornette Coleman, Sonny Rollins, Monk, Bud Powell, Charlie Parker et Miles Davis. Tous les musiciens modernes de jazz m’attirent. Mais je ne joue pas leur musique. Ce serait trop compliqué pour moi. Vous savez, je ne suis pas un très bon musicien…

Pourtant, vous faites le tour du monde avec l’orchestre d’Eddy Davis ?

Oui, c’est vrai. Mais comme je le dis toujours, je suis un musicien du dimanche. Eddy Davis, c’est le vrai leader de notre groupe – un vrai jazzman. Je n’ai pas la prétention d’être un grand clarinetti­ste. Je suis un cinéaste et un comédien qui a un hobby. Mais pour faire venir du monde à nos concerts, mon nom à l’affiche aide un peu. Le public qui vient voir mes films veut m’entendre jouer. Alors, je m’exécute. Je m’assieds sur une chaise. Parfois je ferme les yeux, j’écoute l’environnem­ent des musiciens qui jouent merveilleu­sement. Je mouille ma chemise pour jouer correcteme­nt de la clarinette et, croyez-moi, c’est plus facile pour moi de faire du cinéma ! J’essaie de rentrer dans le jeu des musiciens, mais je me sens parfois très limité. J’ai conscience d’être un amateur, un peu comme un amateur de tennis qui va faire quelques balles le week-end. Mais le plaisir est là: je m’amuse beaucoup à jouer avec Eddy. J’ai cet enthousias­me, sur scène, et cet amour de la musique qui fait que je ne suis pas trop ridicule parmi eux. Mais je n’ai pas la classe d’un clarinetti­ste comme Claude Luter ; je n’arrive pas à sa cheville. Cela dit, j’ai vraiment hâte de retrouver le public d’Antibes. La dernière fois que je suis venu ici, je tournais Magic in The Moonlight . Dans la salle, il y avait Emma Stone et Colin Firth. Ils ont été charmants ; le public aussi.

Vous êtes donc plutôt heureux de retrouver la France ?

Oui. D’ailleurs, je viens en famille. J’ai l’intention de prendre un jour ou deux de vacances pour profiter du shopping et de la région, avant de partir en Espagne pour un concert à Cap Roig. J’adore marcher dans les rues d’Antibes et de sa région, manger dans les restaurant­s du Sud et profiter des musées et de votre architectu­re. J’aime aussi beaucoup Paris qui, pour moi, est la plus belle ville du monde.

La période est particuliè­re, en France, avec une vigilance décuplée depuis les attentats. Comment vivez-vous cela depuis l’Amérique de Trump ?

La période est difficile partout. Il nous faut vivre avec les risques de terrorisme, dans l’espoir de retrouver notre quiétude le plus rapidement possible. À chaque fois qu’on apprend qu’il y a eu un attentat en Europe – que ce soit en Angleterre, en Belgique ou en France – nous sommes très touchés, nous, les Américains pour toutes ces victimes innocentes. On est tristes, on cherche à aider à notre manière, sans savoir vraiment quoi faire. La situation va se calmer, j’en suis certain. Je sais aussi que la sécurité est nécessaire pour encadrer nos spectacles. Aux États-Unis aussi, les gens sont fouillés quand ils vont à un divertisse­ment. Nous avons aussi beaucoup de violences dans notre pays. En ce moment, nous vivons une réalité tragique. Mais le spectacle continue. La sécurité est nécessaire, mais il faut continuer à vivre normalemen­t.

Donald Trump sera à Paris pour le -Juillet. Que pensez-vous de lui ?

Je sais que le président Macron l’a invité à participer au défilé militaire. Je ne pensais pas que Trump deviendrai­t président des États-Unis d’Amérique. Pour moi, il n’en avait pas l’envergure. D’ailleurs, j’ai soutenu Hillary Clinton. Trump a tourné dans un de mes films, Celebrity : c’est un homme qui aime les femmes, jouer au golf, faire du show-business… Mais de là à être président de notre pays et s’engager sur des questions touchant à la vie ou à la mort… J’espère évidemment qu’il réussira. Mais je pense que le costume est trop large pour lui ! Hillary aurait bien fait le job, vraiment. Là, je n’ai aucun doute.

Il faut vivre avec les risques d’attentat ”

Savoir + Woody Allen et le New Orleans Jazz Band : Eddy Davis (banjo), Conal Fowkes (piano), Simon Wettenhall (trompette), Jerry Zigmont (trombone), John Gill (percussion­s), Greg Cohen (basse) et Woody Allen (clarinette). Jeudi 6 juillet à 20 heures au théâtre Anthéa à Antibes. Tarif : de 53 à 63 €. Renseignem­ents : 04. 83. 76. 13. 13.

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