La Croisette en marche
Dans la guerre sans merci que, depuis l’invention du moteur à explosion, se livrent sur l’asphalte les automobilistes et les piétons, les seconds viennent de triompher. Au moins sur la Croisette où, ému par tant d’accidents souvent mortels, David Lisnard, le dynamique maire de Cannes, a décidé une piétonnisation consacrant chaque soir d’été de h à h du matin l’hégémonie de marcheurs mobilisés par la Grande Bleue. Cette défense de rouler s’ajoutant aux interdictions de stationner feront du piéton la nouvelle pièce maîtresse de l’échiquier social. Avant que les cordonniers remplacent les carrossiers et qu’on ne fasse plus le plein qu’aux buvettes, on n’échappera donc pas à la création d’un « permis de marcher » matérialisé par une vignette collée sur le front et dont la couleur variera selon l’âge et la pointure. Les couples déambulant bras dessus bras dessous et les parents tenant leurs enfants par la main se signaleront par des clignotants. Il serait également prudent que les piétons rapides disposassent – outre de l’imparfait du subjonctif – d’un avertisseur sonore incitant à se garer les promeneurs les plus lents. Enfin, de la même façon qu’on souhaite éradiquer l’usage du gazole, premier facteur de pollution, il faudra proscrire la consommation d’aïoli, responsable
de tant d’haleines trop chargées.