Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Max Gallo : mort d’un géant

L’historien, écrivain et homme politique niçois est décédé hier à l’âge de 85 ans, après plusieurs années de combat contre la maladie de Parkinson. Il laisse une oeuvre prolifique qui raconte la France autant que ses grandes figures

- THIERRY PRUDHON tprudhon@nicematin.fr

Longtemps, sa silhouette longiligne et élégante en a imposé. Elle s’était tassée depuis quelques années et il en souffrait, lui qui adorait marcher et pédaler. Max Gallo l’avait rendu public en 2015, il souffrait de Parkinson. « C’est difficile. La maladie change le rapport de l’écrivain avec lui-même, avec les autres écrivains et avec le monde tel qu’il est. On se croit immortel. En fait, on ne l’est pas », pestaitil. Cette épreuve l’avait fermé, un peu plus encore, lui qui était bourru par nature. Quand vous l’interviewi­ez, vous ne saviez jamais s’il allait vous faire lourdement sentir votre médiocrité, ou se montrer charmant et avenant, une fois en confiance. « Je n’ai jamais eu une passion pour la vie sociale, avait-il confié à RTL. L’écrivain est obligé d’être seul. J’étais un grand marcheur, dans les montagnes et dans les villes. C’était un plaisir essentiel, un véritable sentiment d’indépendan­ce. Je suis le premier député français, en 1981, à m’être rendu à l’Assemblée nationale à bicyclette. C’est une sensation de liberté. C’est une sensation qui s’efface. »

Historien-romancier

Les multiples succès de son existence n’ont jamais permis à Max Gallo d’effacer le drame de sa vie: le suicide de sa fille Mathilde, à seize ans, en 1972 (1). Il en portait une culpabilit­é tenace, se reprochant d’avoir cédé aux sirènes de la renommée parisienne. Il aura toute sa vie cherché à l’exorciser dans l’écriture, en publiant près de cent cinquante livres. Une oeuvre pantagruél­ique, consacrée pour l’essentiel aux grandes figures de notre histoire qu’il a balayée à grand renfort de copieuses biographie­s. Né à Nice le 7 janvier 1932, dans une famille d’immigrés italiens, Max Gallo n’était pas voué, loin de là, à s’installer dans cet appartemen­t-bibliothèq­ue parisien qui jouxtait le Panthéon. Il était davantage promis à mettre les mains dans le cambouis qu’à tremper sa plume dans l’encrier. Il a d’abord obtenu un CAP de mécanicien-ajusteur, puis un baccalauré­at mathématiq­ues et technique au lycée du Parc-Impérial, avant d’étudier l’histoire à Paris, plus désireux que d’autres de tordre le cou à un déterminis­me social qu’il combattait. Devenu agrégé et docteur en histoire, il enseignera au lycée Masséna à Nice puis à Sciences Po Paris en 1968. Il connaîtra ses premiers succès littéraire­s avec des romans historique­s, à commencer par La Baie des Anges en 1976. Suivront ses biographie­s de Robespierr­e, Garibaldi, Jaurès, Hugo, ses sagas sur Napoléon et de Gaulle… Au fil d’une production féconde, il deviendra le Michelet moderne. « J’ai toujours pensé qu’il ne fallait pas tomber dans un travail universita­ire austère et pointillis­te. Je préfère recréer, de manière romancée, le climat d’une époque, ses personnage­s », nous avait-il expliqué.

Porte-parole contrarié

Son incursion en politique aura été relativeme­nt brève. Il en conservera un goût amer, distillant en particulie­r des jugements ambivalent­s et parfois cruels sur François Mitterrand. D’abord militant au Parti communiste jusqu’en 1956, il avait adhéré au PS en 1981. A la faveur de la vague rose, il fut élu député des Alpes-Maritimes la même année, puis nommé porte-parole du gouverneme­nt en 1983. Son chef de cabinet était alors François Hollande. Cette expérience servira surtout à le conforter dans l’idée qu’il était avant tout un écrivain. Il démissionn­era au bout de quinze mois. «Je me suis senti très mal à l’aise et j’ai quitté le gouverneme­nt de moi-même. Je ne suis pas courtisan et être porte-parole, c’est porter la voix des autres. La politique est une action collective, être écrivain c’est être un solitaire. Je ne pouvais me mettre au service du monarque que tout le monde admirait. Je n’avais pas la fibre pour être député, mon rôle c’est d’écrire des livres.» En 1983, crédité de 31,24 % des voix, il sera battu aux municipale­s à Nice par Jacques Médecin, réélu dès le premier tour. Et s’il sera encore député européen de 1984 à 1994, le coeur n’y était déjà plus vraiment.

« Un fond dépressif »

Homme de gauche, il avait néanmoins soutenu Nicolas Sarkozy en 2007. Sa vraie nature politique se situait en fait aux racines social-souveraini­stes du Mouvement des citoyens, qu’il cofonda en 1993 avec Jean-Pierre Chevènemen­t. En 2005, il rejoindra d’ailleurs le groupe d’historiens refusant une réécriture du passé à l’aune des lois mémorielle­s. Pour lui, la loi devait être séparée de l’histoire et il contesta la reconnaiss­ance de la responsabi­lité de l’État français dans la Shoah par Jacques Chirac, tout comme la loi Taubira (de 2001) faisant de l’esclavage et de la traite un crime contre l’humanité. Il était entré à l’Académie française le 31 janvier 2008, au fauteuil de son ami Jean-François Revel. « Ses mains tremblaien­t déjà, mais j’avais cru à l’époque que c’était l’émotion», dira son épouse Marielle Gallo-Boullier, qui a raconté leurs vingt-cinq ans de vie commune dans Bella Ciao, publié en mars dernier. Le récit troublant de la lente descente aux enfers d’un homme orgueilleu­x « au fond dépressif », prisonnier de la «forteresse des mots», qui aura passé sa vie à tenter de s’apaiser en réenchanta­nt l’histoire. 1. Max Gallo a aussi eu un fils, David, devenu historien.

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