L’amiral Jacques Lanxade: « De Villiers a tiré un signal d’alarme en démissionnant »
C’est une première dans l’histoire de la Ve République. En rendant officiellement sa démission hier, une semaine après avoir été sèchement recadré par le président Macron, le général Pierre de Villiers a provoqué un véritable coup de tonnerre dans le monde des Armées. Ancien chef d’ÉtatMajor particulier du président Mitterrand de 1989 à 1991, puis chef d’État-major des Armées de 1991 à 1995, l’amiral toulonnais Jacques Lanxade tient pour sa part à saluer la carrière du général De Villiers, qui occupait la fonction de chef d’état-major des Armées depuis 2014.
Êtes-vous surpris par la démission de Pierre de Villiers ?
Ce n’est pas si étonnant. Il avait toujours dit qu’il ne pouvait pas accepter l’idée de rester en fonction si on ne faisait pas l’effort nécessaire pour la Défense. Et il avait aussi expliqué qu’il démissionnerait si on ne stoppait pas la réduction des crédits. Personnellement, j’ai la plus grande estime pour Pierre de Villiers, qui a toujours eu un grand sens de l’État et du service de son pays, et qui a toujours montré des qualités de chef d’état-major des armées tout à fait exceptionnelles. Il est très respecté par l’ensemble des Armées et je respecte sa décision.
Les positions du chef d’Étatmajor et du Président étaientelles vraiment irréconciliables ?
Il y a un paradoxe dans la position de la politique française, des élites en général, et de Bercy en particulier. Car d’un côté, on baisse les crédits de la Défense, et de l’autre, on engage les soldats français dans des opérations extérieures, sans leur donner les moyens nécessaires. C’était déjà le cas sous Chirac, sous Sarkozy et un peu moins sous Hollande. C’est une vraie contradiction qui a de quoi inquiéter et qui a poussé le général de Villiers à prendre cette décision.
C’est quand même un geste fort et historique…
Personne ne remet en cause le rôle du président chef des Armées, mais dans le climat actuel, où la lutte contre le terrorisme est une priorité, on ne peut pas se permettre de porter ainsi atteinte au fonctionnement des Armées. Le général a pris une décision difficile et courageuse. Mais lorsque les instructions qu’on nous donne ne nous conviennent pas en conscience, il n’y a plus d’autre choix. Personnellement, j’avais moi
aussi fait savoir à Jacques Chirac que j’allais démissionner. À l’époque, je trouvais son attitude inacceptable, plus pour des questions opérationnelles que budgétaires… Mais heureusement, il est revenu sur sa décision et je suis resté.
Pensez-vous que cette démission va fragiliser la présidence de M. Macron ?
C’est une affaire très grave. Le général de Villiers a estimé que le coup porté aux forces armées, était inacceptable. Il a voulu tirer un signal d’alarme en démissionnant. Il faut lui rendre hommage pour cela. Car cette affaire va laisser des traces, c’est certain. Après, le président Macron a le talent nécessaire pour faire en sorte que les choses changent à l’avenir. J’espère que les leçons de cette démission seront comprises. Car cette décision est le dernier service que le général de Villiers aura rendu à son pays.