Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Ibrahim Maalouf: «Dans quatre ans, j’arrête la trompette»

- FRANCK LECLERC

Pendant deux ans, il arrête de partir en tournée. Et dans quatre ans, il met sa trompette de côté. Étrange décision dont Ibrahim Maalouf nous a donné les clés en coulisse, avant son concert au Nice Jazz Festival mardi soir.

Vous avez dit vouloir arrêter la trompette. Mais qu’est-ce que c’est que cette histoire ?

Eh bien, c’est tout à fait vrai. J’adore la trompette. Ce n’était pas le cas au départ. C’est un instrument que j’ai adopté, j’ai désormais énormément de plaisir à en jouer. Mais j’ai envie de me mettre en danger. Je ne veux pas céder à la facilité, or j’ai la sensation de tourner un peu en rond. Je me sens capable de faire encore un très bel album mais, dans quatre ans, j’aurai quarante ans et il sera temps de tester d’autres choses.

Céder à la facilité ? Cette notion ne nous était pas apparue…

Peut-être, mais c’est comme ça que je le vis. Quand mon premier album est sorti, on a eu un vrai beau succès. Tous les journaux, tous les magazines en disaient du bien. C’était en , j’aurais pu faire un deuxième album dans le même style, j’ai préféré partir dans une autre direction. Depuis, je n’ai jamais fait deux fois la même chose. Aujourd’hui, quand je suis sur scène, on m’attend avec ma trompette comme si ne savais rien faire d’autre. Alors voilà, encore quatre ans à kiffer, puis j’explore d’autres territoire­s.

D’autres instrument­s ?

Je n’en ai aucune idée. Seule certitude, la musique est dans mon ADN et j’en ferai toute ma vie. Mais j’ai besoin de me soumettre à de nouvelles contrainte­s. Quand tout est acquis, quand il n’y a plus de risque, on ne fait rien. Je me sens autant compositeu­r que trompettis­te. Je n’ai pas forcément envie de jouer très bien, en fait ça ne m’intéresse plus. Je me suis fait connaître en gagnant des concours internatio­naux, ce parcours-là je l’ai fait. Je n’ai plus besoin de prouver quelque chose à quiconque. J’ai juste envie d’inventer, de m’amuser. Si je veux continuer à aimer la trompette, il faut que je m’en éloigne un peu.

Au moment où la grâce succédait à la virtuosité?

On me critique parfois pour ce qu’il y aurait de virtuose ou d’élitiste chez moi. Alors que le milieu du jazz me fait le reproche inverse. Mon travail, c’est avant tout de faire en sorte que ma musique me plaise, me fasse du bien. C’est ce que je continuera­i à faire en toute liberté. Je me sens plus serein, j’ai l’impression d’avoir concrétisé en partie mon rêve.

Parmi vos collaborat­ions, celle avec -M- semble la plus naturelle…

Nous avons en commun une fâcheuse tendance à désirer que les gens s’aiment. Matthieu a grandi dans une famille où l’art, la littératur­e et la musique étaient des armes massives contre la haine. Des gens peuvent trouver ça gnangnan, un peu cliché. Mais on n’a pas envie de faire semblant. Quant aux autres collaborat­ions, je les ai toutes acceptées pendant de nombreuses années, dès lors qu’il y avait quelque chose à partager. Si le résultat est inégal, j’ai appris et c’était passionnan­t.

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(Photo Franck Fernandes) « Si je veux continuer à aimer cet instrument, il faut que je m’en éloigne un peu. »

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