Wayne Shorter: «Dans le monde du jazz, je suis un Jedi »
Il est le musicien le plus inventif du saxophone moderne, l’un des maîtres du soprano. En 1959, Wayne Shorter fut choisi par John Coltrane lui-même pour le remplacer au sein du quintet de Miles Davis, avant de s’imposer comme l’un des compositeurs de jazz les plus innovants. Avec le contrebassiste John Patitucci, le batteur Brian Blade et le pianiste Danilo Perez, il réalise une prouesse : à près de 84 ans, son quartet est déjà presque aussi fameux que l’était le quintet de Miles avec Herbie Hancock, Tony Williams et Ron Carter. La musique de Wayne, aujourd’hui, est stratosphérique, imprévisible, comme ses propos qui s’égarent parfois dans le cosmos. Car la science-fiction, c’est aussi sa passion. Il l’a prouvé, une fois de plus, avant-hier à Juan-les-Pins, juste avant de rejoindre ses musiciens sur scène. «Je suis l’un des membres d’honneur de l’International Planetarium Society de l’Université de New York, rappelle-t-il en souriant. Les planètes m’intéressent au plus haut point : elles ont inspiré les compositions de mon prochain album, qui sortira en septembre. » Cet opus a été gravé avec l’appui d’un orchestre de chambre américain basé à New York, l’Orpheus Chamber Orchestra. « J’ai enregistré quatre mouvements avec trente-six musiciens, précise Shorter. Pour moi, il n’y a pas de barrière entre le jazz et la musique classique. Comme je suis un peu anticonformiste, j’ai appelé l’album Emanon. En fait cela signifie «no name» [N.D.L.R. : sans nom] en verlan. C’est un clin d’oeil à Dizzy Gillespie. J’ai essayé d’y intégrer Jazz à Juan, une sorte de bande dessinée, avec des croquis réalisés par un artiste suisse. C’est un album qui mélange plusieurs arts ». À Juan-les-Pins, d’ailleurs, l’instrumentiste a offert au public un extrait inédit de cet opus, dont le titre a été dévoilé sur sa page Facebook (Scoot). « Avec ce quartet tout est possible, rien n’est calculé, assure-t-il. On ne sait jamais ce qui va arriver. À chaque concert, c’est une aventure pour aller vers l’inconnu. Je reste un résistant dans le jazz. Je n’ai jamais cédé aux sirènes du business. Jamais. Je ne suis pas matérialiste, même si parfois j’ai été tenté de le devenir… parce que c’est la nature humaine. » Il s’interrompt, sourit plus largement: « La société veut des repères. Il ne faudrait pas fumer, pas boire, rien faire et rester dans les clous ? Personnellement, je ne vis pas comme cela. J’ai une approche humaniste. Ce que je veux, c’est transmettre. Je ne cherche ni l’argent, ni la gloire. » Le saxophoniste vient pourtant de se voir décerner par l’académie royale de musique de Suède, avec Sting, le Polar Music Prize. Ce prix a été fondé en 1989 par l’ancien manager du groupe ABBA. Chaque récipiendaire reçoit la somme d’un million de couronnes suédoises, soit environ 109 000 euros. Interrogé sur la politique de