Les chantiers navals STX nationalisés temporairement
La décision a été prise en accord avec le président de la République et du Premier ministre. Une mesure « grave et incompréhensible» pour l’Italie
L’État français a mis fin, hier, au suspense en annonçant une nationalisation temporaire de STX France, une mesure rarissime destinée à « négocier dans les meilleures conditions » l’avenir des chantiers navals, après l’échec des discussions avec le groupe italien Fincantieri. Une décision qui a fait bondir le gouvernement italien : « Nous considérons grave et incompréhensible la décision du gouvernement français de ne pas donner suite à des accords déjà conclus », ont affirmé en fin d’après-midi dans un communiqué conjoint le ministre de l’Economie et des Finances Pier Carlo Padoan et celui du Développement économique Carlo Calenda. Cette prise de contrôle, la première d’un groupe industriel en France depuis la vague de nationalisations du pouvoir socialiste en 1981, a pour objectif de « défendre les intérêts stratégiques de la France », a assuré le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, lors d’une conférence de presse. « Nous voulons avoir toutes les garanties, je dis bien toutes, que ces savoir-faire ne partiront pas un jour dans une autre grande puissance économique mondiale non européenne, pour être très précis », a-t-il ajouté, dans une allusion à peine voilée à la Chine. Selon M. Le Maire, qui s’est refusé pendant son discours à utiliser le terme de « nationalisation », cette opération de préemption est « temporaire ». « Les chantiers navals de Saint-Nazaire n’ont pas vocation à rester sous le contrôle de l’État », a-t-il assuré. Selon lui, la nationalisation de STX France « coûtera environ 80 millions d’euros à l’État », pris en charge par l’Agence des participations de l’État (APE). L’État pourra « récupérer cette mise » dès que le gouvernement aura « trouvé une solution industrielle » pour l’avenir du groupe naval, a ajouté le ministre. Bruno Le Maire avait lancé mercredi un ultimatum aux autorités italiennes, les enjoignant d’accepter «un contrôle à parts égales » de STX France. « Si jamais nos amis italiens refusent la proposition honnête qui leur est faite, l’État exercera son droit de préemption », avait-il prévenu. A Rome, cet ultimatum a été accueilli par une fin de non-recevoir. «Iln’ya aucune raison pour que Fincantieri renonce à la majorité et au contrôle » de STX, a assuré le ministre des Finances italien Pier Carlo Padoan. Fincantieri n’a « pas besoin de STX à tout prix », a prévenu de son côté son patron, Giuseppe Bono. Selon l’accord initial, le constructeur italien devait reprendre d’abord 48 % du capital des chantiers et rester minoritaire pendant au moins huit ans, épaulé par l’investisseur italien Fondazione CR Trieste à hauteur d’environ 7%. Les actionnaires français, dans cet équilibre, ne disposaient que de 45% du groupe. Mais le président Macron avait demandé, le 31 mai, que cet accord « soit revu » pour préserver les intérêts hexagonaux. Sa proposition, transmise à Rome par Bruno Le Maire, laissait à Fincantieri 50 % du capital, les autres 50 % revenant à l’État français (via Bpifrance), Naval Group (ex-DCNS) et aux salariés du groupe.
Le Maire à Rome mardi
« Cette proposition a été refusée par le gouvernement, mais elle reste sur la table », a assuré, hier, Bruno Le Maire, qui a annoncé qu’il se rendrait, mardi, à Rome pour « reprendre » les négociations. « J’ai bon espoir que nous trouverons dans les semaines qui viennent les modalités de cet accord industriel européen avec l’Italie dans le domaine de la construction navale », a ajouté le ministre. La France, qui dispose aujourd’hui d’un peu plus de 33 % de STX France, avait jusqu’à vendredi minuit pour exercer son droit de préemption sur les 66 % restants, détenus par le sud-coréen STX Offshore and Shipbuilding. C’est en effet aujourd’hui que la justice coréenne doit entériner la revente des parts de ce groupe en difficulté.