Var-Matin (La Seyne / Sanary)

«Je m’attaque à la tentation de la violence»

Dans Les Garçons de l’été, la lauréate 2013 du prix Vialatte, Emmanuelle Bayamack-Tam – alias Rebecca Lighieri –, nous plonge dans la déliquesce­nce d’une famille presque parfaite

- PROPOS RECUEILLIS PAR SIMON FONTVIEILL­E sfontvieil­le@nicematin.fr

Ils étaient grands, beaux, forts. Chevauchan­t les vagues sur leurs surfs, ils étaient tout simplement invincible­s. Véritables demi-dieux commandant aux flots. « Ils », ce sont les deux fils de Mylène et Jérôme Chastaing, Thadée et Zachée. Ils étaient la fierté de leurs parents, petits pharmacien­s biarrots très propres sur eux. À vingt ans, ils avaient tout pour conquérir le monde. Jusqu’au jour où, entre deux vagues, un requin bouledogue réunionnai­s a la mauvaise idée d’arracher la jambe de Thadée. Il n’en faudra pas plus pour révéler les névroses des Chastaing et déchiquete­r la famille. Sélectionn­é dans la catégorie adulte du prix des lecteurs du Var, Les Garçons de l’été, à mi-chemin entre le thriller psychologi­que et le roman d’horreur, ne va pas vous laisser dormir tranquille. Âmes sensibles s’abstenir… Emmanuelle Bayamack-Tam, c’est le deuxième roman que vous signez sous votre pseudonyme Rebecca Lighieri. Et vous changez sans cesse de narrateur, vous glissant dans la peau de chaque personnage à tour de rôle. Ce n’est pas trop fatigant ces changement­s de personnali­té? Comment faitesvous ? Prenez-vous des

psychotrop­es ?

Bien sûr que non ! « Rebecca » est un hommage au roman du même nom, de Daphné du Maurier. Et si j’ai pris un pseudonyme, c’est parce que j’ai voulu signifier qu’avec le roman noir, je me lançais dans quelque chose de différent… Quant au changement des narrateurs, c’est un procédé que j’avais expériment­é dans d’autres livres, comme Husbands. Il permet de fragmenter la perception de la réalité. Je commence avec la mère, Mylène, qui a une vision du réel complèteme­nt fausse, et je termine avec Ysé, la fillette de  ans, qui a sans doute le regard le plus juste. De personnage en personnage, on parvient peut-être à la vérité…

Vous mettez en scène une sorte de famille bourgeoise idéale qui se révèle composée de personnage­s complèteme­nt névrosés et qui, littéralem­ent pour certains, se décomposen­t. C’est une critique de l’hypocrisie sociale ?

L’accident de Thadée va en effet liquider la famille Chastaing, mais le livre n’est pas un roman satirique où je pourfends la bourgeoisi­e. Mon intention première, c’est m’attaquer à la violence, qu’elle soit psychologi­que ou physique. Voir comment on jugule, ou pas, la tentation de faire du mal, d’humilier, que nous avons finalement tous. Thadée – qui est en fait un psychopath­e –, y cède, mais Ysé, elle, y résiste. En fait, c’est elle la vraie héroïne.

C’est en tout cas celle du dernier chapitre, où on frise le roman d’horreur. Une référence à Stephen King ?

Oui ! Tout n’est pas bon chez lui, et il a longtemps été considéré comme un auteur mineur, mais

Shining et Carry sont des livres merveilleu­x…

Et maintenant, sur quoi allezvous vous lancer ?

Il y a un projet d’adaptation des Garçons de l’été en mini-série à la télévision. Et mon prochain roman se passera près de Menton, dans la vallée de La Roya, dans un village autogéré coupé du monde mais à proximité de la réalité infernale que vivent les migrants. Vous savez, je connais bien le sudest… J’ai de la famille au Revest qui lit Var-matin tous les jours et je viens souvent en vacances à Toulon !

Les Garçons de l’été, de Rebecca Lighieri 440 pages, Éditions P.O.L., 19 euros

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