Var-Matin (La Seyne / Sanary)

L’épreuve européenne d’Emmanuel Macron

-

« Un échec signerait la fin de son état de grâce européen et alourdirai­t le climat de défiance qui déjà perce en France. »

Dans l’euphorie de sa victoire, Emmanuel Macron imaginait-il que les clignotant­s de sa présidence passeraien­t aussi vite à l’orange ? Les sondages de l’été ne lui ont guère souri. Ce trou d’air prépare mal la délicate traversée du terrain de la réforme du Code du travail sur lequel le pouvoir fait sa rentrée. Un vrai test, donc, pour le chef de l’Etat qui avait fait de ce sujet une promesse centrale de sa conquête. Conscient des risques, il a d’ailleurs choisi de placer le gouverneme­nt en première ligne sur ce dossier, se gardant ainsi des marges de manoeuvre dans l’hypothèse de trop fortes tensions sociales. Non sans habileté, il effectue du coup sa rentrée sur la scène européenne avec un voyage qui le conduit pour trois jours en Autriche, en Roumanie et en Bulgarie. Il a réussi, il est vrai, ses premiers pas en politique extérieure et bénéficie d’une excellente image à l’internatio­nal. Ce déplacemen­t ne sera pas pour autant une partie de plaisir. Le président s’en va, en fait, dans les pays de l’Europe de l’Est pour y tenir un autre de ses grands engagement­s : obtenir un durcisseme­nt de la législatio­n européenne sur les travailleu­rs détachés et corriger les effets du dumping social et salarial que pratiquent un certain nombre de pays membres de l’Union. On en compte près de   dans notre pays, employés par plus de   entreprise­s. L’objectif d’Emmanuel Macron est de contenir ce phénomène des travailleu­rs low cost venus pour beaucoup d’Europe centrale. Il voudrait : . Renforcer leurs droits, ce qui renchérira­it leur coût pour les sociétés qui les emploient ; . Limiter dans le temps la durée de ces détachemen­ts (pas plus de douze mois dans un autre pays que son pays d’origine sur une période de deux ans contre trois ans aujourd’hui) ; . Aggraver les sanctions contre la fraude. Des demandes raisonnabl­es qui se heurtent à l’opposition résolue des Etats de l’Europe de l’Est, grands fournisseu­rs de travailleu­rs détachés : la Pologne, la Hongrie, la Roumanie, la Bulgarie, etc. Tous y trouvent, bien sûr, un intérêt économique et résistent aux demandes françaises au nom du principe européen de la libre circulatio­n des travailleu­rs. Fin juin, Emmanuel Macron a pu mesurer, lors d’un sommet européen, la difficulté de sa tâche. Car il y a aujourd’hui trois visions de l’Europe souvent divergente­s : celle des fondateurs autour du couple franco-allemand, celle des pays du Sud et celle des nations de l’Est. Cette situation complexe rend incertaine la volonté d’Emmanuel Macron de trouver un compromis lors d’un Conseil européen fin octobre. D’autant que l’Allemagne ne le soutient pas vraiment dans sa démarche. Un accord serait un très beau succès à son actif. Un échec signerait la fin de son état de grâce européen et alourdirai­t le climat de défiance qui déjà perce en France.

 ??  ?? Par DENIS JEAMBAR
Par DENIS JEAMBAR

Newspapers in French

Newspapers from France