À Marseille, avec les militants de la France insoumise
La France insoumise attend 3000 militants jusqu’à demain à Marseille, où elle tient ses Amphis d’été. Le brassage intellectuel le dispute à la volonté de s’installer comme premier opposant
Comme un symbole de précarité persistante, trois matelas de SDF jonchent le trottoir aux portes de la faculté des sciences. C’est au sein de celle-ci, à deux pas de la gare Saint-Charles, que La France insoumise (FI) a posé ses valises pour quatre jours à Marseille, le nouveau fief électoral de Jean-Luc Mélenchon. Dans un paysage politique sorti en charpie des échéances du printemps, où tant le PS que LR et le FN sont encore K.-O. debout, La France insoumise, forte de ses dix-sept députés, entend bien pousser son avantage. Et se poser comme la principale force d’opposition, mais aussi d’alternance, à Emmanuel Macron.
« Un mouvement ouvert »
A Marseille, c’est bel et bien dans une démonstration de force que FI s’est lancée ce week-end. Trois mille participants et plus d’une centaine d’intervenants sont attendus pour un grand raout aux allures d’auberge espagnole revendiquée. Manuel Bompard, directeur des campagnes, insiste : « Cette université d’été est conçue comme une foire aux idées, à l’image d’un mouvement que nous voulons ouvert sur la société. » Pour le coup, la recette fonctionne à plein. La fac de sciences tient de la ruche. Ici, un atelier participatif initie à la conception d’un chauffe-eau solaire. Là, un stand pédagogique trie le bon grain de l’ivraie sur le cannabis. Un peu plus loin, Adrien, sac sur le dos et bras en ventilateur, improvise un exposé sur les actions militantes inopinées de l’Alliance citoyenne pour contraindre des maires à revoir leur copie. Son verbe indigné et son entrain jubilatoire font mouche : on s’agglutine autour de lui, qu’importe le cagnard ! Et puis partout dans les amphis, de quarante comme de deux cents places, on s’entasse et ça phosphore. Dans la plus grande salle, où l’on cause enseignement, ça fuse de tous côtés. « L’école n’a jamais été faite pour émanciper », lance un instituteur qui rappelle que Jules Ferry songeait surtout avec l’école « à fermer l’ère des révolutions ». «Il faut repenser une école de l’émancipation, la transformer plutôt que la défendre, alors que les pratiques actuelles suivent la logique de l’institution », abonde un autre, tandis qu’une troisième invite à réveiller « des enseignants devenus individualistes, qui ne pensent plus qu’à eux et à leur carrière». Du côté des cadres du parti, on ne se contente toutefois pas d’une joyeuse émulation intellectuelle qui pourrait se satisfaire à ellemême. On voit plus loin et on veut croire le pouvoir à portée de main.
Marche le septembre
«Ce rendez-vous est un temps de préparation à la rentrée sociale», pose Manuel Bompard, avec en ligne de mire « la marche contre le coup d’Etat social » que FI prépare pour le 23 septembre et dont elle entend clairement faire un bras de fer avec le pouvoir, pour qu’il recule sur les ordonnances de la loi travail. « Nous sommes aujourd’hui la première force d’opposition, mais nous devons aussi être la première force alternative », martèle-t-il. Au passage, le chef de l’Etat reçoit sa dose de flèches: «Macron, déjà hollandisé dans les sondages, est le Président des riches, nous ne le laisserons pas détruire le code du travail», lance la députée du Val-deMarne Mathilde Panot. Celui du Nord, Adrien Quatennens, enfonce le clou: «Avec Macron, nous sommes dans un continuum des politiques précédentes, il y a eu un changement de casting mais le scénario reste le même et sa novlangue n’y change rien. Notre objectif ultime est la prise du pouvoir. Nous sommes en situation de gouverner le pays, rien ne dit que Macron tiendra cinq ans. » Le très médiatique Alexis Corbière, tonitruant député de Seine-SaintDenis, n’est pas en reste: «Nos idées de justice sociale sont majoritaires dans le pays. Les masques tombent plus vite que prévu et il y a de l’indécence à voir Emmanuel Macron demander des sacrifices aux Français alors qu’il vient de dépenser 26000 euros de maquillage en trois mois. Nous ne sommes pas là pour témoigner mais pour changer les choses. Macron n’est pas prêt à un choc social. Et s’il ne sait pas comment réformer la France, il peut nous laisser la place. Nous, nous saurons ! » Après moult ateliers, conférences (classiques ou... gesticulées) et déambulations, Jean-Luc Mélenchon interviendra demain en point d’orgue de cette université d’été toute de combat. Ce sera à 11 h 30, au coeur du Panier, quartier marseillais populaire s’il en est. Car FI a au moins une chose en commun avec La République en marche: un sens aigu de la mise en scène.