Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Normalisat­ion

- Par DENIS JEAMBAR

« Le Président Macron va devoir faire de la pédagogie pour être compris. »

Qu’il est difficile de tout changer dans la politique française ! Plus encore que ses deux prédécesse­urs, Emmanuel Macron pensait qu’il allait moderniser le pouvoir. Sûr de lui, il avait même titré son ouvrage de conquête électorale : Révolution. Ce surdoué de la communicat­ion imaginait qu’il détenait la martingale de la réussite avec sa volonté de pouvoir jupitérien, fondé sur la distance et l’autorité. Il l’a, d’ailleurs, aussitôt mis en oeuvre, passant avec d’autant plus d’aisance les habits présidenti­els que François Hollande, au fond, ne les avait jamais vraiment enfilés. Il pariait aussi sur son dynamisme, la nouveauté qu’il incarne, sa jeunesse et son credo sur l’efficacité. Force est de constater que, après quatre mois bientôt au pouvoir, le nouveau chef de l’Etat est banalisé. Les sondages en attestent. Le scepticism­e des Français est de retour. Le temps du rejet n’est pas arrivé, loin de là, mais l’enthousias­me est retombé. Plus vite, probableme­nt, que ne s’y attendait le Président. Qui, du coup, se rend compte que sa parole a été trop rare, que sa mise à distance des journalist­es se retourne contre lui, que les faits sont têtus et que le peuple ne le regarde plus avec les yeux de Chimène. Il en a même fait le constat, ce jeudi, en lançant dans les jardins de la résidence de l’ambassade de France en Roumanie : « La France n’est pas réformable. Les Français détestent les réformes. » Une déclaratio­n surprenant­e pour plusieurs raisons. D’abord, le chef de l’Etat avait affirmé qu’il ne traiterait pas des questions de politique intérieure hors de nos frontières. Ensuite, ce propos est peu audible car on ne voit guère de différence entre un travail de réforme et cet autre slogan lancé en Roumanie : « Se transforme­r en profondeur pour que le pays retrouve le destin qui est le sien. » Réformer, transforme­r, quelle est la différence ? Le président va devoir faire de la pédagogie pour être compris. D’autant que les critiques viennent déjà de toutes parts : des Insoumis à gauche, mais aussi de François Hollande et ses proches, de son pseudo-allié François Bayrou, d’Alain Juppé, l’ami pourtant d’Edouard Philippe, le chef du gouverneme­nt. Emmanuel Macron, de toute évidence, a décidé de ne pas attendre pour réagir. Il ne voulait pas d’une présidence bavarde à la Hollande, il semble estimer qu’il a besoin à présent d’une présidence qui explique. Travail d’autant plus nécessaire que son Premier ministre, trop imprécis, n’a pas réussi son oral de rentrée, jeudi matin, sur RMC. Bien qu’ennemi du « off » façon Hollande, le chef de l’Etat a donc fait ses premières confidence­s à quelques journalist­es dans son Falcon lors de son déplacemen­t en Autriche et Roumanie. Il a laissé entendre également qu’il s’adresserai­t désormais plus régulièrem­ent au pays. Bref, il se normalise et se retrouve, ne lui en déplaise, dans une situation qui rappelle celle de ses deux prédécesse­urs.

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