Pêcheurs en colère contre la Marine
Les professionnels tracent un lien entre deux démonstrations de contre déminage sous-marin récentes et une grosse dégradation de l’environnement marin, dont ils s’érigent en protecteurs
Des poissons morts par dizaines flottant à la surface de l’eau, une ressource halieutique qui s’est soudainement tarie, des dauphins et requins déboussolés. Les pêcheurs de Saint-Mandrier sont en colère. Après les opérations de “pétardage” réalisés jeudi 31 août et lundi 4 septembre par la Marine nationale au large de la presqu’île, près des coffres (les grosses bouées rouges), ils ont opéré d’étranges constatations et tracent des corrélations. Titulaire de dérogations pour exercer leur métier dans la zone maritime militaire de la presqu’île, les professionnels de la mer souhaitent rester anonymes et s’expriment au nom de leur prud’homie de pêche.
Baisse des rendements
Les spectaculaires démonstrations de contre déminage sous-marin dont il est question ont été réalisées dans le cadre de la XVe université d’été de la Défense qui s’est réunie à Toulon, à bord du bâtiment de projection et de commandement (BPC) Mistral, en présence de la ministre des Armées Florence Parly (voir nos éditions précédentes). « Regardez ! s’indigne, hier matin, un pêcheur à bord de son bateau amarré dans le port de Saint-Mandrier en montrant la photo d’un gros poisson mort, prise avec son téléphone portable. Il y a des sérioles – en plus ces poissons viennent ici en septembre pour se reproduire –, des dentis, des pelamides, des bonites... Et il faut savoir qu’après un “pétardage” seulement 10 % des poissons tués remontent à la surface ». De retour de sa matinée de pêche le professionnel constate : « Et ce n’est pas tout : voyez ma pêche du jour, elle est ridicule. J’ai pêché dix fois moins de poissons que d’habitude ».
« Tout ça pour une démonstration ! »
« Notre zone de pêche est brûlée ! s’exclame un autre professionnel. Et il faudra du temps pour un retour à la normale. Comme après un incendie de forêt ». Il va plus loin et dresse une liste : « Ce week-end, un bébé dauphin s’est égaré dans le port de La Ciotat, un dauphin mort a été retrouvé à Bandol, un autre s’est égaré au large du Brusc à Six-Fours et samedi, près des Deux frères, à La Seyne, un requin renard a été remonté, sonné, pris au piège dans un filet à daurades, qu’il aurait dû déchiqueter... ça fait beaucoup quand même non ? Il faut se poser des questions sur tous ces animaux désorientés...» Le patron pêcheur laisse exploser sa colère : « On ne demande qu’à protéger la nature. Les premiers défenseurs de l’environnement, c’est les pêcheurs. Nous ne sommes pas contre les essais militaires, mais par contre, nous voulons que ceux-ci soient respectueux de l’environnement. On nous demande d’observer des règles de plus en plus drastiques et à côté, en toute impunité, on démolit tout à côté de nous. En plus, il s’agissait d’une simple démonstration. Pourquoi des explosions aussi fortes ? ».
Problème récurent
Ce n’est pas la première fois que les pêcheurs sont confrontés à ce problème. «La préfecture maritime nous dit que des procédés sont mis en oeuvre pour éloigner les poissons, mais quand nous posons la question aux personnels à bord des semi-rigide, postés pour surveiller la zone de “pétardage”, ils nous répondent qu’ils ne sont au courant de rien ».