Merkel face au défi de l’AfD
« Il faudra bien expliquer ce bond électoral de l’extrême droite allemande. »
On peut parler de séisme électoral. Pour la première fois, le parti d’extrême droite AfD fait une entrée en trombe dans la vie politique allemande : il enverra environ députés au Bundestag. Pour la première fois depuis la Seconde guerre mondiale, un parti nostalgique de l’Allemagne nazie devient la troisième force politique allemande, doublant les Libéraux, les Verts et Die Linke, le parti de la gauche de la gauche. Certes, Angela Merkel, quoique ayant perdu des centaines de milliers de voix, est largement en tête de ce scrutin. Elle sera donc bien, comme on le prévoyait, chancelière pour la e fois depuis sa première élection en . Mais elle sort de cette consultation singulièrement affaiblie. D’abord parce qu’il faudra bien expliquer ce bond électoral de l’extrême droite allemande, qu’il faudra bien sûr analyser avec le recul nécessaire dans les jours qui viennent. Des mécontents de la politique de la chancelière ? Sûrement : beaucoup d’Allemands sont confrontés à la précarité, à la pauvreté, mais enfin, le salaire moyen est, outre-Rhin, évalué à plus de euros bruts par mois, chiffre au-dessus de celui de la France. Le taux de chômage est la moitié de celui des Français. Et la plupart des citoyens allemands se réjouissent de la réussite économique et de la stabilité que la chancelière leur assure depuis déjà douze ans. Il faut donc bien qu’il y ait une autre explication dans cette montée de l’extrême droite.
Et comment ne pas penser que ses électeurs aient fortement condamné, en réalité, l’ouverture de Mme Merkel à un million de réfugiés depuis deux ans. D’autant que ces réfugiés n’ont pas toujours été à la hauteur de ce que pouvait en attendre, après son geste généreux, la chancelière. Beaucoup d’entre eux se sont assez bien, et très vite intégrés, D’autres au contraire ont sérieusement dérapé : on pense aux agressions de Cologne, le décembre . On pense aussi au vote massif des Turcs habitant en Allemagne en faveur du président de la République turque, Recep Erdogan, sur un projet de loi renforçant son autoritarisme et le poids de l’Islam. Ce qui a ancré dans la tête d’un certain nombre d’électeurs allemands cette impression inquiétante que l’immigration était liée à la pratique d’une religion dont ils ne veulent pas. Si l’on ajoute à cela que le parti social-démocrate lui aussi en perte de vitesse a déclaré qu’il ne participerait pas, contrairement à ce qu’il a fait dans le gouvernement précédent, à une coalition avec la CDU de Mme Merkel, on s’aperçoit que celle-ci, qui ne peut pas gouverner seule, a du pain sur la planche avant de constituer, avec les Verts et les libéraux sans doute, une coalition gouvernementale. Enfin, dernière interrogation : Emmanuel Macron et Angela Merkel partageaient le souhait de construire une Europe plus proche, plus intégrée, avec éventuellement un ministre des finances de la zone euro. Il faudra bien tenir compte de la montée d’une extrême droite favorable à la sortie de l’Europe, et de la tiédeur, sur ce sujet, des libéraux.