Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Abdelkader : frère tyrannique ou mentor religieux ?

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Abdelkader Merah a 6 ans lorsque naît Mohammed, dernier enfant d’une fratrie de cinq. Les deux garçons vont suivre un parcours finalement assez similaire, qui débute dans la délinquanc­e pour s’inscrire plus tardivemen­t dans la radicalisa­tion. L’entrée en religion d’Abdelkader Merah n’échappe d’ailleurs pas aux services spécialisé­s. Aussi bien la DCRI que la DGSE vont lui consacrer une « notice individuel­le ». Il faut dire qu’au milieu des années 2000, par l’entremise d’un « copain d’enfance », Abdelkader se rapproche d’une nébuleuse salafiste qui inquiète tout particuliè­rement les autorités : la filière dite d’Artigat dont le guide spirituel n’est autre qu’Olivier Corel, surnommé « l’Émir blanc ». Et qui comptait dans ses membres les frères Clain, devenus depuis «la voix française de l’État islamique » (1).

Il voulait se faire tatouer « Ben Laden » sur le front

Dans les notes déclassifi­ées de la DGSE, un analyste considère l’année 2006 comme « un tournant dans la radicalisa­tion » d’Abdelkader Merah. Lui qui est tombé dans la délinquanc­e « dès l’âge de 13 ans» change subitement de mode de vie à l’occasion de son incarcérat­ion en 2005. A sa sortie de prison, il se marie religieuse­ment, dit qu’il va se faire tatouer « Ben Laden » sur le front, part étudier le Coran en Égypte. À son retour, il entreprend d’influencer spirituell­ement son entourage… À commencer par sa famille. Mais Mohammed Merah semble alors bien peu réceptif à ce prosélytis­me familial. A tel point que, pour tenter de faire « rentrer dans le droit chemin » de l’islam son cadet, Abdelkader n’hésite pas à l’attacher à un lit pour le rouer de coups. De même qu’il poignarde à sept reprises l’aîné de la fratrie, Abdelghani (2), sous prétexte qu’il aurait épousé «une juive ».

« Complice par instigatio­n »

Mohammed Merah n’aurait d’ailleurs commencé à se radicalise­r que deux ans plus tard, à la faveur, lui aussi, d’un séjour en prison. Si le parcours des deux frères sont assez similaires, ils ne sont donc pas pour autant parallèles. L’enquête démontre que leurs relations étaient même chaotiques. Ils ne s’adressent plus la parole durant des mois avant de se rabibocher… étonnammen­t, pile au moment où Mohammed Merah décide de passer à l’acte. Ce qui, pour le parquet antiterror­iste, «contrairem­ent aux déclaratio­ns louvoyante­s d’Abdelkader Merah, conforte sa position de complice par instigatio­n ». Un statut de «mentor» que l’accusé a toujours refusé d’endosser. Même s’il se déclare «fier» de ce qu’a fait son frère. 1. C’est notamment Fabien Clain qui a revendiqué les attentats du 13-Novembre dans un message audio, ou encore chanté les louanges du tueur au camion de Nice. 2. Depuis les tueries, celui-ci s’est engagé dans la lutte contre l’islam radical. Il a écrit un livre, Mon frère, ce terroriste, et a sillonné la France en février-mars 2017 pour alerter sur la montée de l’intégrisme.

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