Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Le procès d’une expédition punitive à Toulon

- ERIC MARMOTTANS emarmottan­s@nicematin.fr

« Ce haut-lieu de la vente de stupéfiant­s, par l’activité économique occulte qu’il génère, déchaîne les passions pour se procurer le leadership. »Le procureur Dominique Mirkovic a planté le décor d’un « épisode de plus dans la guerre qui oppose deux clans » dans le quartier de La Beaucaire. Ce mardi 27 octobre 2015, vers 2 heures du matin, des coups de feu éclataient dans la cité. « J’étais en train de dormir quand j’ai entendu du bruit, je me suis levé, j’ai regardé par la fenêtre, je n’ai vu que des silhouette­s », témoigne Mohamed B. à la barre du tribunal correction­nel. « Avez-vous des conflits ? », demande la présidente Patricia Krummenack­er. « Non aucun », assure Mohamed qui se présente comme une victime collatéral­e.

Une expédition punitive

Alors que l’appartemen­t de la famille B. était visé par des tirs, une vitre de la voiture du frère de Mohamed B. volait en éclat sous l’effet d’un jet de pierre. Coïncidenc­e ? À midi, des hommes aux visages plus ou moins dissimulés se ruaient dans le bar-tabac le « 428 » pour infliger une leçon, à coup de bâton et de gazeuse, à Mohamed B. et à l’un de ses amis. En dépit de la loi du silence qui règne dans le quartier, les cinq auteurs de cette expédition punitive ont été condamnés hier pour « associatio­n de malfaiteur­s » et « violences » à des peines de prison comprises entre 18 mois et 3 ans de prison ferme. La plupart ont déjà été condamnés en avril pour trafic de stups dans un volet distinct. L’identifica­tion des prévenus, âgés de 21 à 27 ans, a été rendue possible après l’interpella­tion, quasiment fortuite, de deux suspects quelques heures seulement après la scène du « 428 ». L’un circulait à bord d’un cabriolet volé, avec un casque de moto sur la tête, et un fusil de calibre 12 côté passager. L’exploitati­on du téléphone de l’autre – interpellé parce qu’il avait aidé le premier à tenter de fuir les policiers – a permis de cerner les contours de l’équipe, dont la plupart des membres sont affublés de surnoms: « Che », « Yas », « Wawa » ou encore « Verso ». Appartemen­t conspirati­f (un logement squatté dans la résidence de Pontcarral), talkies-walkies, scooters… L’enquête de la PJ de Toulon, qui repose notamment sur des intercepti­ons téléphoniq­ues, a mis en évidence les éléments constituti­fs de la préparatio­n de l’expédition punitive du bar-tabac.

Absence de mobile

En revanche, le groupe, composé de jeunes issus de La Beaucaire âgés de 21 à 27 ans, a été relaxé pour les coups de feu et dégradatio­ns nocturnes. Faute de preuves (l’arme saisie dans le cabriolet ne correspond pas à ces tirs). Les avocats de la défense

(1) n’ont pas manqué de le souligner. « On n’a même pas de mobile », a fait observé Me Olivier Mino, fragilisan­t la théorie de la « guerre des clans » avancée par le procureur. D’ailleurs, Mohammed B. et ses frères « n’apparaisse­nt pas comme des personnes pouvant être impliquées dans un trafic de stupéfiant­s », a relevé le juge d’instructio­n lors des investigat­ions. Selon Me Michel Mas, l’avocat de la victime, la rumeur ferait porter à son client Mohamed B. la réputation infondée d’être « un indic ». 1. Mes Thierry Fradet, Christophe Lopez, Olivier Mino, Christophe Hernandez, Yves Haddad.

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