Var-Matin (La Seyne / Sanary)

La raille de la chambrée existe encore

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Réunis à la brasserie des 4 chemins, près de la place Bouzigues, Jacques Desideri, 65 ans, dit « Daisy », Gilles Michiara, 67 ans, dit « Djilou », Jean-Pierre Tzvetan, 65 ans, dit « Zbaton »ont la tête de ceux qui viennent de faire l’école buissonniè­re. « La raille, c’est notre jeunesse », explique Jean-Pierre Tzvetan. «C’est aussi notre vieillesse », complète aussitôt Jacque Desideri. L’un commence une phrase, les deux autres la finissent. « On sortait de l’école, on jetait les cartables. Les réseaux sociaux, c’était nous, résumentil­s. Ici, c’était un village, il y avait beaucoup de champs, la chambrée étaient les champs sur lesquels le collège des Pins d’Alep a été construit ».« Il nous fallait un terrain vague pour faire des cabanes, jouer aux cow-boys et aux indiens », détaille Djilou. « Avant d’être occupé par nous, il a été occupé par les Allemands », précise « Daisy ». Toujours le souvenir de la guerre, pas loin, dans ce phénomène, avec ses batailles…

Explorateu­rs du Baou des quatre ouro

Les trois zouaves de cette raille campagnard­e d’une trentaine de jeunes se défendent de toute violence. Après coup, il n’y avait rien de méchant en effet, même si on finit par apprendre que « Daisy » avait quand même envoyé « Zbaton» à l’hôpital, sur un jet de caillou malencontr­eux dans l’oeil. « C’était comme un jeu d’adresse », dit-il comme pour s’excuser. La « bourrine » ne leur est pas étrangère:« Quand le puni au milieu de la bande recevait une volée de coups ». Aucun n’en a gardé de séquelles. « On faisait surtout des bourres (courses, cette fois) avec les mobylettes », explique Djilou, et comme maigres larcins, entre quelques lampadaire­s fracassés, des maraudes, de fruits uniquement. Ils avaient fait de la colline leur domaine. Jujubes et raisins s’en souviennen­t. « On connaissai­t tous les moindres ruisseaux, cours d’eau. Beaucoup de collègues sont devenus spéléologu­es ». Le Baou des quatre ouro comptait à l’époque un vrai refuge dans lequel ils se rendaient, lançant des signaux à la lampe de poche à leurs parents restés à la maison. De là à en déduire que Jacques Desideri doit à ces escapades d’avoir organisé des trekkings en Corse et de diriger aujourd’hui l’agence du Club Med à Toulon, il n’y a qu’un pas.

Avec Zé, le héros du film

« On a eu une jeunesse assez sympathiqu­e », s’accordenti­ls à dire. «Jusqu’à la nuit tombante, je restais dehors, j’avais du mal à rentrer », se rappelle Djilou. « L’hiver, pour rester jusqu’à 20 heures, il fallait travailler les parents au corps ». Une certaine idée de l’amitié. « C’était aussi s’ennuyer ensemble, la raille. Pas forcément faire quelque chose ». Zbaton, pendant ses études de médecine à Nice, perpétuera cet esprit avec un groupe d’étudiants solidaires, dont faisait partie un certain Zé, le vrai surnom dans la vie de César Philip, héros du film de «Adieu la raille» (1)...

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(Photo V. P.) « Daisy », « Djilou », « Zbaton », réunis comme au bon vieux temps.

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