Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Signé Roselyne

- Le regard de Roselyne Bachelot sur l’actualité

Lundi

Nous sommes tous à l’extrême de l’émotion devant le destin de Mauranne et Laura, poignardée­s à mort samedi dernier sur le parvis de la gare Saint-Charles à Marseille par une crevure qui les massacre en criant « Allah Akbar ». Antoine Leiris, dont l’épouse avait été tuée dans la tuerie du Bataclan, nous avait émus en écrivant un livre touchant Vous n’aurez pas ma haine. Je dois avouer que malgré mon éducation chrétienne, je n’aurai jamais cette hauteur de vue et que les tueurs ont ma haine profonde et irréfragab­le, que je refuse toute excuse sociale ou communauta­ire à ces barbares, et que je revendique cette haine comme un moteur puissant pour mener le combat contre l’intégrisme. Dieu, s’il existe, me pardonnera. Pour ajouter massivemen­t à l’horreur, à Las Vegas, hier, un homme a tiré sur les spectateur­s d’un concert de country faisant plus de  morts et des centaines de blessés. Dans les deux cas, l’organisati­on du pseudo « État » islamique revendique les assassinat­s. Nous verrons bien, même si les circonstan­ces du mass-murder du Nevada et le profil du tueur semblent bien éloignés des standards de Daech. La revendicat­ion hasardeuse qui en a été faite par les sbires d’Abou Bakr AlBaghdadi résonne donc comme un singulier aveu de défaite.

Mardi

Le roi d’Espagne, garant de l’unité nationale, prononce le discours qui convient après le « référendum » sur l’indépendan­ce de la Catalogne. Cette histoire est folle finalement et on se croirait dans un mauvais Almodovar, où tout part en brioche dans une movida tragi-comique dont les protagonis­tes sortent morts ou lessivés. Personne ne peut croire qu’il y ait le moindre intérêt social ou économique à la partition. Personne ne peut croire que la « culture catalane » est menacée par Madrid. Personne ne peut croire qu’il y a des méchants menés par l’infâme galicien Rajoy, président du gouverneme­nt espagnol et des bons conduits par l’angelot catalan Puigdemont, président de la Généralité de Catalogne. Les discours racistes et xénophobes des indépendan­tistes n’augurent rien de bon, la froideur maladroite et bornée de Rajoy laisse craindre le pire. Voilà maintenant que des deux bords, on appelle l’Union européenne en médiation. Faut-il rappeler à ces bons apôtres que l’Europe est une union d’états, qu‘elle ne connaît que ceux-ci et qu’une interventi­on dans ce conflit n’ajouterait qu’un extrême désordre à un désordre extrême.

Mercredi

Quel chambard ! En déplacemen­t à Egletons, le président de la République

dans une conversati­on à bâtons rompus -surprise par un micro-perche- avec le président de la région Nouvelle Aquitaine, le socialiste Alain Rousset, s’emporte contre « certains qui foutent le bordel ». Pour contextual­iser le propos, il faut rappeler que ce déplacemen­t était consacré à l’inaugurati­on de l’École d’applicatio­n aux métiers des travaux publics et à une table ronde sur la formation profession­nelle. Des salariés de l’usine GM&S de La Souterrain­e, sous l’égide de la CGT, ont exigé d’être reçus par Emmanuel Macron pour protester contre le plan de reprise de GM&S par la société GMD qui ne sauvegarde que  emplois sur . Bousculade­s, horions, gaz lacrymogèn­es s’en sont suivis. Dans la conversati­on Alain Rousset lui avait signalé qu’à Ussel, une entreprise de fonderie avait bien du mal à recruter. Le président continue en dénonçant ceux qui feraient mieux « d’aller chercher des postes là-bas », ajoutant qu’ils « ont les qualificat­ions »etque« ce n’est pas loin ». Quel dommage que les analyses médiatique­s se soient largement focalisées sur la trivialité de l’expression « foutre le bordel » alors que la problémati­que et les solutions sont bien plus complexes. Le Président commet deux erreurs : d’abord Ussel est loin,  km de la Souterrain­e et deux heures de route, ensuite les ouvriers sont formés à l’emboutissa­ge qui a peu à voir avec la fonderie. On comprend

mieux la fureur de ces derniers. Pour affronter les défis des mutations du monde du travail, il va donc falloir résoudre le double challenge de la mobilité des corps et des esprits. La mobilité physique nous contraindr­a à renoncer au rêve de la propriété individuel­le qui fixe les individus et exigera des investisse­ments massifs sur le locatif et les transports de proximité, en un mot l’opposé des politiques publiques menées depuis cinquante ans. La mobilité psychologi­que et intellectu­elle nécessiter­a d’assurer dès l’école primaire la parfaite connaissan­ce des fondamenta­ux, lire, écrire et compter, et de réorienter les opulents crédits de la formation profession­nelle vers ceux qui en ont vraiment besoin. Quelle que soit sa bonne volonté en ce domaine, le président de la République fera mieux avancer ces dossiers qui demandent plus de pédagogie que d’argent avec un minimum de doigté et de diplomatie.

Vendredi

Les prix Nobel remis à des scientifiq­ues par l’Académie royale de Suède et par l’Institut Karolinska ne souffrent guère de contestati­ons sauf à noter que la limitation à trois lauréats conduit à des injustices manifestes tant les recherches actuelles ne sont plus menées par des individus isolés mais par des équipes émanant de plusieurs pays. Le Prix Nobel de littératur­e a soulevé plus de polémiques car il a souvent relevé de choix politiques plutôt que des qualités littéraire­s universell­es de l’écrivain récompensé. Deux jurés suédois se sont même auto-attribués le prix en … On ne compte plus les grands auteurs éliminés sur des motifs fumeux au profit de scripteurs aux mérites restreints et que la récompense n’a même pas tiré d’un oubli justifié. Les lecteurs de Nice-Matin qui ont dans leur bibliothèq­ue les oeuvres de Halidor Laxness qui fut préféré à André Malraux en  sont donc priés de se faire connaître ! Mais les controvers­es ont atteint leur apogée avec le prix Nobel de la Paix. On peine à dénombrer les va-t‘en-guerre célébrés comme Théodore Roosevelt, les sympathiqu­es lauréats qui n’ont enregistré aucun résultat en matière d’apaisement des conflits, tel Barack Obama, les faillis et Aung San Suu Kyi en est un bon exemple. Son attributio­n aujourd’hui au collectif d’associatio­ns ICAN, coalition pour l’abolition des armes nucléaires, ne va désarmer ni les critiques ni les ogives. Depuis l’horreur des bombardeme­nts sur Hiroshima et Nagasaki, l’arme atomique n’a jamais été utilisée dans un conflit depuis  ans et l’effroi qu’elle cause a été un puissant facteur de dissuasion et donc de paix. Les neuf pays qui détiennent des armes atomiques ne s’en dessaisiro­nt que sur la menée d’un processus multilatér­al complexe dans lequel ICAN n’a aucune influence. Penser que Kim-Jong-un serait ainsi amené à résipiscen­ce relève de l’utopie puérile et depuis toujours les menées pacifistes n’ont servi qu’à désarmer ceux qui n’ont pas l’intention de faire la guerre. Le Comité Théodule qui attribue le Nobel de la Paix aurait mieux fait de l’attribuer à une ONG de terrain, de celles qui font moins de bruit mais plus de bien.

«Le Président fera mieux avancer ces dossiers qui demandent plus de pédagogie que d’argent avec un minimum de doigté et de diplomatie. »

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