Les trafics dans les quartiers et «les vies pourries»
De La Seyne ou d’ailleurs, les petits dealers de stups font l’ordinaire des audiences de comparution immédiate. Avec un profil de jeune homme assuré, parfois jusqu’à l’arrogance
F «erme ? »« Oui, ferme. » Petit moment d’incrédulité à la barre du tribunal correctionnel de Toulon. Moment de bascule. Celui où le prévenu, coupable comme il s’y attendait, voit s’annoncer dix-huit mois derrière les barreaux. Retour sur terre après une audience passée sur le ton de la nonchalance. C’est l’histoire de Dylan C., juste 18 ans, originaire de Reims, qui semblerait être venu prendre le soleil dans la cité Berthe à La Seyne. « Donc, vous êtes sur un canapé, devant le bâtiment .»« Ben voilà. J’suis là, je suis posé. » Dylan se montre cool. « Expliquez-moi, c’est où la place d’un canapé ? Dans la rue, devant un immeuble ? », s’échine le tribunal. «On n’a pas le droit de s’asseoir ? Pas le droit de prendre l’air?», regimbe le jeune homme. « Et les policiers vous entendent dire “Ara”. C’est pour se délasser les cordes vocales ? » « Ara », c’est l’appel du guetteur, le signal de l’arrivée de la police. Le jour de son arrestation, le 20 septembre, le visage dissimulé sous un masque noir, Dylan C. a vendu du cannabis – il en avait 133 gr sur lui. Plus un sachet à côté.
«Vous savez, c’est la première fois »
« Vous savez, c’est la première fois », s’empresse-t-il de dire au tribunal. « Oui, oui, on sait », évacue le juge tranquillement. De cette réponse aussi, il a l’habitude. Ce qui coince, c’est le comportement « inacceptable » des dealers qui prennent possession de territoires, et dont les habitants subissent la présence. « Les gens ont des vies pourries dans les cités, dans les halls, les étages des immeubles. Des gens qui n’ont pas plus d’argent que vous». Colère du juge. « C’est une vie d’enfer. C’est ce qu’il y a de plus détestable dans ces trafics. »
« Ils délirent sur une vie prospère sans travailler »
Le ministère public enfonce le clou. « Le bailleur social a reçu les doléances de familles de la cité », les trafics « empoisonnent la vie de nos concitoyens ». Quant à ces jeunes majeurs, « ils délirent sur un avenir prospère, sans travailler ». La défense veut donner le contexte de l’absence de coopération du prévenu – car celui-ci a beaucoup nié. « En garde à vue, il ne s’est pas expliqué. Sauf quand on lui a demandé s’il a peur des représailles. » Me Christophe Hernandez insiste : « Le danger de ce genre d’audiences, c’est de vouloir faire un exemple. » Son client est « en rupture de ban avec sa famille », il a « le profil idéal pour faire la chair à canon du trafic, celui qui est en première ligne ». La défense demande de mettre la condamnation « à la juste mesure de sa responsabilité, c’est-à-dire deux transactions ». Au vu du casier judiciaire et d’un premier sursis de mise à l’épreuve toujours en cours, le tribunal décide de dix-huit mois ferme, comme requis par le parquet. Avec un maintien en détention. Et donc de la prison, ferme.