Var-Matin (La Seyne / Sanary)

 à  : les habitants d’Entrevaux forgent leur destin par la résistance

- ANTHONY SALOMONE RECUEILLI PAR N. N.

Les habitants d’Entrevaux, aujourd’hui cité des Alpes-deHaute-Provence, n’ont pas oublié la date de 1542, toujours gravée dans leurs murs. Cette année-là, la cité redevient française après avoir été conquise en 1536 par Charles Quint. L’empereur du Saint-Empire romain germanique n’a pas hésité à tuer la moitié de la population et à incendier la ville. Ce dernier, qui convoite la Provence, souhaite contrôler ce site stratégiqu­e bordant le fleuve Var. Entrevaux est à cheval alors entre la France et le royaume de Sardaigne, et aujourd’hui à environ cinq kilomètres de la frontière des Alpes-Maritimes. Jusqu’au XIXe siècle, cette contrée montagnard­e isolée n’est traversée que par un chemin muletier reliant Nice à Barcelonne­tte. Ce retour au sein du royaume de France est à mettre au crédit des Nice: le Palais Lascaris revisité 6 habitants, aidés des montagnard­s voisins. Ils reprennent le contrôle de la ville après que le gouverneur en place ait été égorgé. En signe de ralliement au royaume de France, les Entrevalai­s offrent la place et le château à François 1er (1515 à 1547). Reconnaiss­ant, le roi donne à la cité le statut de ville royale pour qu’elle soit sous sa dépendance directe et s’adresse à eux en ces termes : « Chers et bien aimés gens d’Entrevaux, nous avons entendu la bonne volonté et sincère affection que vous nous portez et que nous voulons, entendons et déclarons que vous serez et demeurerez, à toujours francs et quittes et exempts de tailles, et que de toute notre puissance nous vous garderons de ◗ Regard et mémoire ◗ 5 violences et oppression­s ; et à tant nous prierons le Créateur ; chers bien aimés, qu’il vous ait en sa garde. » Les habitants bénéficien­t ainsi de privilèges rares comme l’exemption d’impôts, de services et de devoirs.

Une ville royale fortifiée

Le site possède déjà des fortificat­ions médiévales mais elles s’avèrent insuffisan­tes. En 1624, sous le règne de Louis XIII, Richelieu consolide l’enceinte du château et construit un pont fortifié. C’est sur cette base robuste que près de 70 ans plus tard, en 1690, le Roi-Soleil charge Sébastien Le prestre de Vauban de renforcer les défenses d’Entrevaux. Il souhaite contrecarr­er la Ligue d’Augsbourg, alliance d’une grande partie de l’Europe et du royaume de Sardaigne, qui menace une France conquérant­e. Pour y parvenir, Vauban séjourne sur place en janvier 1693 et en novembre 1700. Il protège les trois portes de la ville par l’ajout de pont-levis et de tours imposantes. Au niveau de la porte d’Italie à l’entrée est, il construit également des tours semi-circulaire­s et un ouvrage dit « à cornes », front de fortificat­ion dont il est l’inventeur. Il réaménage la forteresse, située sur un éperon rocheux d’environ 150 mètres de hauteur, dominant le village médiéval d’Entrevaux. Son perfection­nisme et son esprit tacticien Comment imaginer se passer de son frigo et revenir aux anciennes méthodes de conservati­on ? Si aujourd’hui, elles nous paraissent désuètes, elles ont quand même permis à nos aïeux de survivre. De nos jours, nous sommes , % à posséder un réfrigérat­eur. Pourtant, ce roi du stockage n’est pas indétrônab­le à en croire Marie Cochard, journalist­e spécialisé­e dans l’écologie, qui prouve dans cet ouvrage que nos ancêtres avaient des méthodes, qui seraient aujourd’hui, parfaiteme­nt inscrites dans le développem­ent durable. S Comment faisaient autrefois les familles sans réfrigérat­eur Elles disposaien­t d’une pièce dédiée à la conservati­on des aliments, un lieu obscur, frais et ventilé, qu’on appelait cellier, caveau, cave, garde-manger, chai ou souillarde selon les régions. Nos aïeux plaçaient fruits et légumes dans ces espaces à la températur­e stable afin de les consommer pendant tout l’hiver. Des murs épais, en pierres et éventuelle­ment blanchis d’un badigeon de chaux aux vertus désinfecta­ntes, et de la cendre sortie de la cheminée les protégeaie­nt du gel ainsi que du développem­ent des bactéries. D’aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours vu mes grands-parents entreposer leurs aliments dans des endroits dédiés. Alors pourquoi de nos jours ne serait-il pas possible d’optimiser la conservati­on autrement qu’avec le frigo ? J’ai donc décidé de tenter l’expérience et me passer de mon « armoire à glaçons ».

S Quelles étaient les méthodes de conservati­on? Les méthodes pour conserver les aliments étaient souvent rudimentai­res mais efficaces. Les viandes se conservaie­nt dans un saloir ou un fumoir, le saindoux dans des pots, l’huile dans des cruches, la farine dans un coffre, les vont jusqu’à relier la citadelle à la ville en aménageant un chemin, d’une distance d’environ 800 mètres, protégé de murailles et de tourelles. Aujourd’hui encore, les imposantes fortificat­ions Vauban attirent tous les regards.

Des habitants téméraires

En 1704, la cité résiste aux Piémontais dépendants des États de Savoie commandés par le chevalier de Blaisigny. La centaine d’hommes de la garnison d’Entrevaux détruit le camp italien avec l’aide de quatre compagnies d’habitants venues en renfort. Vauban meurt le 30 mars 1707 en sachant que son ouvrage demeure inviolé. Les Entrevalai­s font de nouveau étalage de leur courage lors de la bataille de 1721 où ils triomphent du même adversaire en pleine préparatio­n d’un nouveau siège. À la fin du XIXe siècle, la citadelle est transformé­e en caserne puis en prison durant la Première Guerre mondiale. Aujourd’hui, elle est classée monument historique. Pour s’y rendre, il faut environ une heure de Nice et deux heures trente de Toulon. Elle n’est pas le seul trésor d’Entrevaux qui en compte bien d’autres : les vestiges médiévaux, la cathédrale du XVIIe siècle, ou encore le palais épiscopal. ◗ Prévoir une heure trente de visite pour découvrir Entrevaux, sa citadelle et ses musées dont celui de La Poudrière qui contenait autrefois 9000 kilos de poudre. Bureau du tourisme : 04. 93. 05. 46. 73. pommes dans la cave, les fruits secs dans des boîtes… Le séchage est la méthode de conservati­on la plus simple et la plus ancienne qui soit. De tout temps, l’homme l’a utilisé pour les fruits, les poissons, mais aussi la viande débitée en tranches minces. Il suffit de les placer sur un tamis et de les laisser au soleil jusqu’à l’éliminatio­n totale de l’eau qu’ils contiennen­t. Ils ne perdent rien de leurs valeurs nutritionn­elles. Quant au lait, il était saisonnier autrefois, les vaches n’en produisaie­nt pas en hiver. Il fallait donc conserver les produits laitiers transformé­s pour le reste de l’année. On a ainsi retrouvé en Irlande du beurre datant du haut Moyen Âge dans des pots en bois enterrés dans les tourbières.

S Pouvez-vous nous livrer quelques astuces utilisées autrefois ? Les navigateur­s tassaient le beurre dans des bocaux en verre sur lesquels ils versaient de l’eau de mer. Aujourd’hui encore, cette astuce permet de le conserver pendant de nombreuses semaines. Les bouchons de liège disséminés entre les pommes optimisaie­nt leur durée de vie, les épargnant du grand froid jusqu’au redoux. Par ailleurs, pour conserver un pain moelleux, et éviter qu’il durcisse, il suffit de le placer dans une boîte avec une moitié de pomme (cela fonctionne aussi avec les biscuits). Et, lorsque les légumes tels carottes, céleris ou poivrons commencent à ramollir, il n’y a qu’à les laisser tremper une nuit entière dans de l’eau. Le lendemain, ils auront retrouvé leur croquant. Le livre regorge de nombreux petits trucs élémentair­es avec à la clef, une alimentati­on plus saine, moins de déchets, une facture d’électricit­é réduite, plus de simplicité et surtout le retour du goût !

 ?? (Illustrati­on DR) (© Illustrati­on DR et Bibliothèq­ue nationale de France) ?? Vue de la porte royale au début du XXe siècle. Située au sud, elle est l’entrée principale d’Entrevaux. Un pont enjambe le fleuve Var et permet de tenir à distance l’ennemi. Les exposition­s
Carte postale d’Entrevaux et de sa citadelle, située sur un...
(Illustrati­on DR) (© Illustrati­on DR et Bibliothèq­ue nationale de France) Vue de la porte royale au début du XXe siècle. Située au sud, elle est l’entrée principale d’Entrevaux. Un pont enjambe le fleuve Var et permet de tenir à distance l’ennemi. Les exposition­s Carte postale d’Entrevaux et de sa citadelle, située sur un...

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