Une édition Du côté de chez Swann estimée à €
L’un des cinq exemplaires sur papier washi du mythique roman de Proust, renfermant d’importants documents manuscrits, s’apprête à passer sous le marteau à Paris
C ’est un événement pour les bibliophiles. Une très rare édition du roman Du côté de chez Swann de Marcel Proust (1871-1922), datée de 1913 et imprimée sur du papier japon impérial, sera mise aux enchères à Paris le 30 octobre chez Sotheby’s. Seuls cinq exemplaires du roman ont été imprimés sur ce type de papier « washi » (à base de fibres de mûrier). Trois d’entre eux appartiennent à des collectionneurs privés. Un quatrième a disparu sous l’occupation nazie. Le livre proposé à la vente est dédicacé à « Monsieur Louis Brun », secrétaire général des éditions Grasset, les premières à avoir accepté de publier l’ouvrage. Marcel Proust avait en effet essuyé de nombreux refus de la part d’éditeurs avant que Bernard Grasset, homme providentiel, accepte de publier son roman, en deux volumes, et… aux frais de l’auteur. Achevé d’imprimer le 8 novembre 1913, Du côté de chez Swann sort en librairie le 14 novembre suivant. Le succès récompensera rapidement le persévérant Marcel Proust, qui, à force de sollicitations, rejoindra la Nouvelle Revue Française en 1916 et les éditions Gallimard en 1919. Estimé entre 400 000 et 600 000 €, l’exemplaire proposé par Sotheby’s n’était pas réapparu publiquement depuis juin 1942, date à laquelle la veuve de Louis Brun l’avait cédé aux enchères. Il avait été acquis à l’époque pour 185 000 francs par Roland Saucier, directeur de la Librairie Gallimard, qui l’a conservé jusqu’à son décès en 1994. L’ouvrage présente aussi, reliés en fin de volume, six lettres et deux manuscrits rédigés par Proust et adressés
aux responsables des éditions Grasset. L’écrivain y dévoile sa stratégie de promotion. Pour faire parler de son livre dans les journaux, Proust n’hésite pas à rédiger lui-même, sous un pseudonyme, des critiques élogieuses qu’il fait passer par le biais de son éditeur. « Je compte sur votre obligeance pour les recopier, écrit-il à Louis Brun, je ne voudrais pas qu’on sût que je les ai écrits ». A l’occasion, l’auteur Du côté de chez Swann » n’hésitera pas à payer de sa poche certains de ces éloquents échos. Un véritable stratège en marketing avant l’heure.