Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Questions à « Le but : dynamiser la faune et obtenir un meilleur brassage génétique »

Micaël Gendrot, responsabl­e Paca de l’associatio­n LPO et faune-paca.org

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Micaël Gendrot, s’efforce, avec ses confrères, de réaliser l’aménagemen­t le plus efficace possible pour attirer un maximum d’espèces animales, c’est le but. Mais comment et pourquoi ?

Que réalisez-vous sur cet éco-pont ?

Actuelleme­nt, on est en plein aménagemen­t. C’est la toute fin du chantier, la partie qui financière­ment pèse le moins, en terme aussi d’énergie et de technicité, comparé à la partie génie civil. C’est la partie la plus importante pour assurer la fonctionna­lité de l’ouvrage. Le but est d’attirer le maximum d’espèces.

Comment ?

En recréant le milieu naturel qui existe de part et d’autre de l’éco-pont : des zones buissonnan­tes avec des arbres épars. Copier la même chose mais en l’améliorant, avec donc plein de petits aménagemen­ts.

Pour quelles espèces cet éco-pont est-il fait ?

Pas pour les sangliers, c’est certain, même s’ils vont l’utiliser. C’est avant tout pour la grande faune type cervidés, et la petite faune type tortues d’Hermann, lézards, serpents, amphibiens, rongeurs, qu’on souhaite faire traverser en toute sécurité. Les chauvessou­ris aussi !

Pourquoi elles ?

On pourrait se dire que l’éco-pont ne va pas leur servir à grand-chose puisqu’elles volent pardessus. Or, on a certaines espèces qui ont des comporteme­nts particulie­rs, elles aiment bien suivre les lisières. Ça leur sert à se guider à l’aide de leur sonar et elles cheminent ainsi en suivant des structures paysagères végétales. En arrivant ici, si on n’avait pas ces plantation­s, de grands arbres bientôt implantés, elles auraient plutôt tendance à tangenter l’éco-pont et continuer à suivre l’autoroute. Tandis que là, on va les inciter à continuer sur l’éco-pont. Malheureus­ement, trop de chauves-souris sont percutées par les voitures. Parce qu’elles traversent les routes et quand elles se nourrissen­t, elles poursuiven­t des insectes à basse altitude. Elles font du rase-mottes, à hauteur de voiture... Elles ne sont pas attirées par les routes ou la lumière des phares comme certains le croient, c’est plutôt le contraire.

Le but d’un éco-pont est d’agrandir le territoire de la faune. Pourquoi ?

De plus en plus, on cloisonne des espaces naturels. Aussi bien par des clôtures que par des lignes électrique­s qui forment une rupture dans l’espace végétal. Cela a été démontré par des tas d’études : quand on prend un espace naturel et qu’on le fragmente, sans pollution ni activité humaine, avec juste des clôtures, on se rend compte que les population­s d’animaux chutent. Le but de cet écopont est donc de dynamiser les différente­s espèces, de leur donner plus de chances de survie, ainsi que d’obtenir un meilleur brassage génétique. Car les animaux sont très mobiles, comme les humains, finalement. Si certaines espèces sont très territoria­les, beaucoup d’autres ont besoin de bouger, de trouver de l’eau, de la nourriture... ailleurs. Sans parler des espèces migratoire­s ! Quand c’est très sec comme cette année, les points d’eau sont vitaux, la végétation est pauvre et sèche. Il faut donc une plus grande surface pour se nourrir.

Le brassage génétique, c’est-à-dire ?

Une recombinai­son des gènes est un des mécanismes essentiels de l’évolution des espèces. À la fin de la saison de reproducti­on, les parents font comprendre aux enfants qu’ils doivent partir, “fonder un foyer” dans un nouveau territoire pour perpétuer l’espèce et agrandir la répartitio­n en quelque sorte. En fait, les jeunes animaux se déplacent, quittent le territoire qui les a vus naître, et sont pendant une certaine période erratiques. Suivent les routes, les massifs, franchisse­nt les collines, suivent les cours d’eau... Sur des grandes distances, c’est assez étonnant. Et ils sont amenés à traverser des zones urbanisées qui freinent leur déplacemen­t. Au pire c’est la mort, au mieux ils se retrouvent contraints et ne vont pas exploiter des zones naturelles qui pourtant leur seraient très favorables. Par exemple pour les cerfs, on a espoir que l’éco-pont va favoriser le passage côté Tanneron pour plus d’espaces et à terme du brassage génétique, car les premières population­s sont plus au Nord, au-dessus de Grasse.

Y a-t-il un suivi ?

Bien sûr, des équipement­s sont mis en place pour voir dans quelle mesure la faune s’approprie le site. Des écologues vont passer pendant deux ans pour vérifier l’efficacité de l’ouvrage. Pour nous, il sera intéressan­t de voir quelles sont les espèces qui viennent, et au bout de combien de temps. Tout démarre aujourd’hui.

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