Cocteau inédit
Au terme d’une incroyable enquête, le Seynois Gérard Jamin a localisé la bâtisse qui a été offerte par les époux Noailles au poète en 1933. Récit…
Le Seynois Gérard Jamin a mené une incroyable enquête et prouvé que Jean Cocteau a été propriétaire d’une maison sur le port de la presqu’île!
Entre Hercule Poirot et Indiana Jones. Au printemps 2017, en à peine dix jours d’une incroyable enquête jalonnée de rebondissements, l’historien amateur seynois Gérard Jamin a retrouvé sur le port de SaintMandrier une maison offerte en 1933 au poète Jean Cocteau par les mécènes hyérois Charles et Marie-Laure de Noailles ! L’odyssée de l’officier de marine, pilote de l’aéronavale retraité, passionné par l’histoire des quartiers seynois (dont Saint-Mandrier faisait partie jusqu’en 1950), commence le 20 mars. Gérard Jamin reçoit ce jourlà un appel téléphonique des commissaires de l’exposition Jean Cocteau et les Noailles, Correspondance(s) – qui s’est tenue du 29 mars au 11 juin à la Villa Noailles à Hyères. L’un deux, Stéphane BoudinLestienne, avait fait sa connaissance à l’issue d’une intervention du Seynois, en 2013, à la médiathèque SaintJohn-Perse d’Hyères, à l’occasion du cinquantenaire de la mort de Cocteau. En préparant l’exposition, Stéphane Boudin-Lestienne et Alexandre Mare se sont penchés sur une lettre du vicomte de Noailles à Cocteau, datée de janvier 1933, annonçant au poète qu’ils allaient «vivre dans le même pays » : « Saint-Mandrier, acheté, payé, définitif ».
francs
Par ailleurs, début janvier 1933, comme le confirment différents autres documents d’archive, Charles de Noailles achète pour Cocteau une maison pour la somme de 75000 francs. Cocteau qui, biographes et courriers l’attestent, a vécu et séjourné à Hyères, chez les Noailles à partir de 1930, puis à La Seyne et Saint-Mandrier, de 1931 à 1935. Sur la foi de ces documents, les chercheurs ont l’idée de confier à Gérard Jamin le soin de retrouver cette maison. « Mon enquête a pris la forme d’une épopée où l’ange Heurtebise (de Cocteau) a dû intervenir dans cette affaire humaine», s’émeut le Seynois volubile, fin connaisseur de l’oeuvre du poète.
De fausses joies en déceptions…
Pourtant l’affaire s’engage mal. Elle commence par une fausse joie. Bingo ! «Le 10 avril, la mairie de Saint-Mandrier me donne l’adresse supposée – car il n’y a pas de preuve – de la maison» , raconte l’enquêteur qui se rend sur place et trouve porte close. Le lendemain, l’occupant de la maison supposée Cocteau, chez lui, valide les renseignements. Sa source: la mairie de Saint-Mandrier… Retour à la case départ. Mais tout n’est pas perdu. Son interlocuteur évoque alors le nom de René Rognone, l’un des doyens de la presqu’île (disparu le 14 août à l’âge de 95 ans) soi-disant fin connaisseur des lieux, que Gérard Jamin rencontre. « J’ai consulté l’oracle, ce personnage très chaleureux qui m’a livré un indice inestimable: “l’occupant précédent de la maison possédait, dans un cadre accroché au mur, un extrait de l’exemplaire de l’acte de vente conclu par Jean Cocteau”. Il devrait habiter à Sainte-Anne-d’Evenos où il tiendrait un bar tabac restaurant PMU». La piste est froide: le lundi 17 avril, le débit de boisson du hameau, où il se rend, est fermé ! Lors d’une incursion sur le terrain de boules voisin, au terme d’une rencontre fortuite avec un joueur qu’on lui présente comme « au courant de tout », Gérard Jamin apprend «que l’homme qu’il recherche a quitté Sainte-Anne-d’Evenos il y a deux ou trois ans et devrait habiter au Plan-du-Castellet ! »
La pugnacité paye
Le jeu de piste épique se poursuit. L’enquêteur met derechef le cap sur Le hameau du Plan-du-Castellet et identifie la maison – « c’est une véritable forteresse» – que son informateur vient de lui décrire. C’est la seule donnée dont il dispose. Et là, miracle ! L’individu qu’il recherche répond au coup de sonnette ! « Il m’accueille avec cordialité et me dit : “le cadre avec l’extrait de vente ? Je l’ai laissé sur place” . La preuve a donc disparu ! Mais il se souvient du nom et la localisation approximative du généreux donateur de l’objet qui habite à Saint-Mandrier ». Le lendemain, le Seynois pugnace s’arrête devant une villa où figure le nouveau nom qu’on lui a donné, mais qui ne correspond pas tout à fait à la description… Et pour cause, il est accueilli par un parent de la personne recherchée. Il en repart avec l’adresse et un numéro de téléphone d’un énième contact avec qui il obtient un rendezvous ! Il va bientôt toucher au but ! Le jeudi 20 avril, ses hôtes l’accueillent avec un dossier préparé à son intention. « Dont, à titre de présent, une copie du très convoité acte de vente de la maison offerte par les Noailles à Cocteau le 23 janvier 1933 et revendue par le poète le 15 octobre 1935 à Marius d’Isanto et Alexandrine Gaurrand, son épouse », conclut Gérard Jamin toujours très ému par sa découverte.