Var-Matin (La Seyne / Sanary)

«Le port où je voudrais vivre» (-)

- Dossier : Jean-Marc VINCENTI jmvincenti@nicematin.fr

Une fois localisée la maison de Jean Cocteau à Saint-Mandrier, Gérard Jamin a recoupé les indices collectés avec les conclusion­s d’autres travaux qu’il a menés précédemme­nt, avant de compléter ses recherches. Il a tracé notamment un lien avec deux célèbres bâtisses seynoises… Dans la période 1931-1935, Jean Cocteau a en effet vécu et séjourné à La Seyne. Guéri d’une fièvre typhoïde qu’il a contractée à Toulon à l’été 1931, le poète, sorti de clinique, passe sa convalesce­nce à la Villa Blanche à Tamaris, chez Denise et Edouard Bourdet, administra­teur de la Comédie française. Il découvre alors le port de Saint-Mandrier. A l’été 1932, c’est sur la presqu’île, à l’hôtel du Creux-Saint-Georges, accompagné de Jean Desbordes, que Cocteau met le 18 août un point final au manuscrit de La Machine Infernale, une de ses plus importante­s oeuvres théâtrales, dédicacée aux Noailles. Et dont il fera une lecture à ses amis réunis à la Villa Blanche à la fin de l’été. C’est aussi à ce moment que les Bourdet donnent leur célèbre bal « Toulon 1900 » où, comme on peut notamment le voir dans le reportage photograph­ique qu’y consacra à l’époque le magazine Vogue , les Noailles, Cocteau et leurs amis rivalisent d’humour et d’imaginatio­n pour leur costume. Jusqu’en 1939, la bâtisse accueillit la fine fleur des arts et de la comédie française. Pas moins de sept académicie­ns et un prix Nobel ont été les hôtes des Bourdet.

Une fresque recouverte sur un mur de la Villa Blanche !

«La Villa Blanche, dont l’un des murs, au fond de sa loggia, s’orne d’une fresque réalisée le 29 août 1932 par Jean Cocteau, le muraliste avec le peintre décorateur Christian Bérard. Mais hélas, l’oeuvre a été recouverte d’une épaisse couche d’enduit lors de travaux de rénovation menés après 1965. La remettre au jour coûterait cher, observe Gérard Jamin. J’ai aussi retrouvé la trace d’une deuxième fresque de Christian Bérard. Mais celle-ci aurait été détruite, encore lors de travaux ». Le chercheur s’est également intéressé à la villa Notre-Dame-des-Pins, près du Clos SaintLouis, acquise en 1920 par le célèbre aquarellis­te Maurice Tranchant de Lunel, qui fut aussi directeur des Beaux-arts au Maroc (sous protectora­t) avec Hubert Lyautey. En 1924, le peintre fait aménager la bâtisse en lui adjoignant un atelier, ainsi qu’une tour qui dissimule une fumerie d’opium au décor somptueux – « Elle est restée en l’état », glisse Gérard Jamin – et qui accueillit le gotha de l’époque. Dont Jean Cocteau.

Un reportage pour Paris-Soir et un au revoir en 

C’est là qu’en 1932 le poète tombe sous le charme de Marcel Khill, compagnon de Maurice Tranchant de Lunel, qui après la mort de ce dernier, en novembre 1932, deviendra celui du poète et son secrétaire aussi… C’est aussi l’année où Jean Cocteau, séparé de Jean Desbordes, vit une histoire passionnée avec la princesse Nathalie Paley, nièce du tsar Alexandre III, elle-même épouse et égérie du couturier Lucien Lelong. Le poète l’a rencontrée début 1932 à Hyères, lors d’une projection privée du film Le Sang d’un poète, organisée par Marie-Laure de Noailles. «Cocteau, qui avait projeté d’accueillir Nathalie Paley à Saint-Mandrier, comme l’évoque leur correspond­ance. Mais que la rumeur d’un avortement à Paris mit fin à leur relation, à la fin de l’année 1932», indique Gérard Jamin. Finalement, c’est en compagnie de Marcel Khill que Jean Cocteau, à partir de 1933, passe ses vacances d’été sur la Côte d’Azur et à Saint-Mandrier. C’est avec lui qu’en août 1935 il quitte Villefranc­he-sur-Mer à bord du Lancelot, un pointu, et achève sa croisière à Saint-Mandrier, «le port où je voudrais vivre », longeant la côte, en rédigeant un reportage pour le journal Paris Soir (14 août 1935). Il dort à l’hôtel du Château Vert, plutôt que dans cette demeure dont l’acte de vente est signé en octobre. Probableme­nt découragé par des locataires dont il n’a pas réussi à se défaire, il revend sa propriété, qui est restée depuis entre les mains de la même famille, à un couple de jeunes mariés.

 ?? (Photo J.-M .V) ?? En dix jours d’une incroyable enquête jalonnée de rebondisse­ments, l’historien amateur seynois Gérard Jamin a retrouvé la copie d’un acte de vente prouvant que Jean Cocteau a possédé une maison sur le port de Saint-Mandrier. Un cadeau de Charles et...
(Photo J.-M .V) En dix jours d’une incroyable enquête jalonnée de rebondisse­ments, l’historien amateur seynois Gérard Jamin a retrouvé la copie d’un acte de vente prouvant que Jean Cocteau a possédé une maison sur le port de Saint-Mandrier. Un cadeau de Charles et...
 ?? (Photo doc J. D) ?? A La Seyne, c’est dans la tour de la villa Notre-Dame-des-Pins, près du Clos Saint-Louis, que Jean Cocteau fuma de l’opium avec l’aquarellis­te Maurice Tranchant de Lunel.
(Photo doc J. D) A La Seyne, c’est dans la tour de la villa Notre-Dame-des-Pins, près du Clos Saint-Louis, que Jean Cocteau fuma de l’opium avec l’aquarellis­te Maurice Tranchant de Lunel.
 ?? (Photo DR) ?? La Villa Blanche, à Tamaris, résidence seynoise où en , Jean Cocteau se remis de la fièvre typhoïde.
(Photo DR) La Villa Blanche, à Tamaris, résidence seynoise où en , Jean Cocteau se remis de la fièvre typhoïde.

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