Var-Matin (La Seyne / Sanary)

La manita

- Par CLAUDE WEILL

« Le portrait de Puigdemont a été retiré des commissari­ats. Les ministres régionaux sont au chômage. »

Carles Puigdemont a battu Mariano Rajoy par  buts à . Non, rectificat­ion : en championna­t d’Espagne, et devant un public euphorique, la modeste équipe de Gérone, club de coeur du président destitué de Catalogne, a battu le prestigieu­x Real Madrid, cher au chef du gouverneme­nt espagnol, et incarnatio­n d’une certaine idée de l’Espagne. Amer lot de consolatio­n. Car pour Puigdemont et ses amis sécessionn­istes, ce résultat surprise a été l’unique bonne nouvelle d’un week-end cauchemard­esque. Ils espéraient que la destitutio­n des autorités catalanes soulèverai­t une immense vague de protestati­on. Bien au contraire, ce sont les unionistes qui ont pris la rue, par centaines de milliers, pour saluer le déclenchem­ent de l’article  et la mise sous tutelle de la Generalita­t .Les plus exaltés réclamaien­t même l’interdicti­on des partis séparatist­es – ce qui n’est aucunement dans les intentions de Madrid. -. On craignait ou espérait, c’est selon, que la prise de contrôle de l’administra­tion régionale n’entraîne des troubles ou des actes d’insoumissi­on. Rien de tel. Pour l’heure, la stratégie de « résistance pacifique » et de « défense des institutio­ns » annoncée par les indépendan­tistes a fait long feu. L’appel à la grève générale ayant été annulé, les fonctionna­ires catalans ont rejoint leur poste de travail hier matin comme si de rien n’était. Le portrait de Puigdemont a été retiré des commissari­ats. Les ministres régionaux sont au chômage. L’un d’eux a posté sur twitter une photo de lui dans son bureau, signifiant ainsi qu’il entendait continuer à exercer ses fonctions. Mais après une visite de la police, il a rapidement quitté les lieux. -. Sous le coup d’une enquête pour « sédition », le chef de la police régionale, également destitué, s’est obligeamme­nt retiré. Non sans adresser à ses troupes un courrier les appelant à « la loyauté et la compréhens­ion envers les décisions » du successeur désigné par Madrid. -. Après quelques heures de faux suspense, les deux principale­s formations de la ci-devante coalition gouverneme­ntale, le PDeCat de Carles Puigdemont et la gauche républicai­ne (ERC) d’Oriol Junqueras, ont annoncé, hier, qu’elles participer­aient aux élections du  décembre, ce qui équivaut à reconnaîtr­e et avaliser la dissolutio­n du Parlement, dont la présidente sortante a officielle­ment pris acte. Seul le parti d’extrême gauche CUP semble déterminé à boycotter le scrutin. Ce qui aurait pour conséquenc­e arithmétiq­ue d’affaiblir le camp indépendan­tiste. -. Aucun pays n’a reconnu la déclaratio­n d’indépendan­ce de la Catalogne, à l’exception du Venezuela de Maduro. Toutes les capitales européenne­s ont apporté leur soutien à Mariano Rajoy et à la légalité constituti­onnelle espagnole. Est-ce pour briser cet isolement, ou pour échapper aux poursuites pour « rébellion » et « sédition » engagées, hier, par le procureur général de l’Etat espagnol, que Puigdemont a décidé de s’envoler pour Bruxelles, où il jouit de la sympathie des nationalis­tes flamands ? La rumeur selon laquelle l’ancien président pourrait demander l’asile politique en Belgique n’a guère suscité qu’incrédulit­é et moqueries. -.La manita, comme on dit en espagnol. Mais en politique, contrairem­ent au football, la partie n’est jamais finie. Une nouvelle manche débute, dont l’issue appartient aux électeurs catalans et eux seuls. Pour l’heure, les sondages indiquent que le front indépendan­tiste, en perte de vitesse, pourrait perdre, de peu, la majorité absolue le  décembre. En politique comme au foot, cependant, il ne faut jamais pavoiser trop tôt : la victoire se gagne sur le terrain, pas dans les pronostics.

Newspapers in French

Newspapers from France