La manita
« Le portrait de Puigdemont a été retiré des commissariats. Les ministres régionaux sont au chômage. »
Carles Puigdemont a battu Mariano Rajoy par buts à . Non, rectification : en championnat d’Espagne, et devant un public euphorique, la modeste équipe de Gérone, club de coeur du président destitué de Catalogne, a battu le prestigieux Real Madrid, cher au chef du gouvernement espagnol, et incarnation d’une certaine idée de l’Espagne. Amer lot de consolation. Car pour Puigdemont et ses amis sécessionnistes, ce résultat surprise a été l’unique bonne nouvelle d’un week-end cauchemardesque. Ils espéraient que la destitution des autorités catalanes soulèverait une immense vague de protestation. Bien au contraire, ce sont les unionistes qui ont pris la rue, par centaines de milliers, pour saluer le déclenchement de l’article et la mise sous tutelle de la Generalitat .Les plus exaltés réclamaient même l’interdiction des partis séparatistes – ce qui n’est aucunement dans les intentions de Madrid. -. On craignait ou espérait, c’est selon, que la prise de contrôle de l’administration régionale n’entraîne des troubles ou des actes d’insoumission. Rien de tel. Pour l’heure, la stratégie de « résistance pacifique » et de « défense des institutions » annoncée par les indépendantistes a fait long feu. L’appel à la grève générale ayant été annulé, les fonctionnaires catalans ont rejoint leur poste de travail hier matin comme si de rien n’était. Le portrait de Puigdemont a été retiré des commissariats. Les ministres régionaux sont au chômage. L’un d’eux a posté sur twitter une photo de lui dans son bureau, signifiant ainsi qu’il entendait continuer à exercer ses fonctions. Mais après une visite de la police, il a rapidement quitté les lieux. -. Sous le coup d’une enquête pour « sédition », le chef de la police régionale, également destitué, s’est obligeamment retiré. Non sans adresser à ses troupes un courrier les appelant à « la loyauté et la compréhension envers les décisions » du successeur désigné par Madrid. -. Après quelques heures de faux suspense, les deux principales formations de la ci-devante coalition gouvernementale, le PDeCat de Carles Puigdemont et la gauche républicaine (ERC) d’Oriol Junqueras, ont annoncé, hier, qu’elles participeraient aux élections du décembre, ce qui équivaut à reconnaître et avaliser la dissolution du Parlement, dont la présidente sortante a officiellement pris acte. Seul le parti d’extrême gauche CUP semble déterminé à boycotter le scrutin. Ce qui aurait pour conséquence arithmétique d’affaiblir le camp indépendantiste. -. Aucun pays n’a reconnu la déclaration d’indépendance de la Catalogne, à l’exception du Venezuela de Maduro. Toutes les capitales européennes ont apporté leur soutien à Mariano Rajoy et à la légalité constitutionnelle espagnole. Est-ce pour briser cet isolement, ou pour échapper aux poursuites pour « rébellion » et « sédition » engagées, hier, par le procureur général de l’Etat espagnol, que Puigdemont a décidé de s’envoler pour Bruxelles, où il jouit de la sympathie des nationalistes flamands ? La rumeur selon laquelle l’ancien président pourrait demander l’asile politique en Belgique n’a guère suscité qu’incrédulité et moqueries. -.La manita, comme on dit en espagnol. Mais en politique, contrairement au football, la partie n’est jamais finie. Une nouvelle manche débute, dont l’issue appartient aux électeurs catalans et eux seuls. Pour l’heure, les sondages indiquent que le front indépendantiste, en perte de vitesse, pourrait perdre, de peu, la majorité absolue le décembre. En politique comme au foot, cependant, il ne faut jamais pavoiser trop tôt : la victoire se gagne sur le terrain, pas dans les pronostics.