Var-Matin (La Seyne / Sanary)

L’appli qui aide des handicapés à s’exprimer

Avec l’aide d’un spécialist­e en neuroscien­ces, la Valettoise Christine Denis, dont le jeune fils autiste souffre de leucodystr­ophie, a mis au point une applicatio­n baptisée « Kevivox »

- G. A. gaubertin@nicematin.fr

Comme tous les parents d’enfants autistes, Christine Denis a appris à vivre avec le handicap. À le surmonter, mais aussi à le combattre. Son fils Kevin, 16 ans, souffre de leucodystr­ophie depuis le plus jeune âge. Le diagnostic est tombé lorsqu’il avait à peine onze mois. Quelques années plus tard, les médecins ont reconnu qu’il souffrait également d’autisme. «On était obligé de l’équiper de gants et d’un casque, car il s’automutila­it tout le temps», raconte la maman. À tel point que souvent, «les journées se terminaien­t aux urgences». «Dans ces cas-là, témoigne la Varoise, on se sent très seuls. On a l’impression d’être livrés à nous-mêmes.» Des parents perdus et impuissant­s comme Christine, la France en compte des milliers. «Chez nous, les handicaps, et tout particuliè­rement l’autisme, sont très mal pris en charge, comparé à d’autres pays comme la Belgique ou la Suède», regrette DenisFranç­ois Boland, professeur à Marseille, docteur en physique et spécialist­e en neuroscien­ces.

Le combat de sa vie

Ancienne secrétaire médicale, Christine Denis a décidé de se consacrer à 100 % au combat de sa vie. Le but : «Donner la parole à ceux qui n’ont en pas». Son idée : « Créer une applicatio­n pour les familles dont l’un des membres souffre de ne pas pouvoir s’exprimer avec eux.» Son nom : « Kevivox » «Le plus dur pour une famille qui est confrontée à ce genre de handicap, c’est de ne pas pouvoir communique­r», explique Christine Denis. Alors, avec l’aide de Denis-François Boland, elle a décidé de monter l’associatio­n «Acharnée»: l’Associatio­n pour la compensati­on du handicap par applicatio­n de recherches neuroscien­tifiques éducatives et ergonomiqu­es. L’intitulé paraît un peu complexe dit comme ça, mais le principe est pourtant très simple. « On voulait créer quelque chose de pratique et d’ergonomiqu­e, avec un niveau d’abstractio­n le moins poussé possible. L’avantage de la tablette, insistent ses concepteur­s, c’est que tout est dématérial­isé, ce qui permet aux personnes les plus limitées physiqueme­nt de s’en servir. » D’où l’utilisatio­n de simples pictogramm­es. Lesquels redonnent donc la parole à l’utilisateu­r, qui n’a plus qu’à cliquer dessus pour exprimer ses envies: la faim, la soif, la fatigue, la volonté d’être seul ou de remercier son interlocut­eur… D’autres pictogramm­es permettent de formuler des émotions encore plus précises (joie, tristesse…). Éditée par la société Lucenacens­e, l’applicatio­n Kevivox s’adresse aux personnes qui souffrent de leucodystr­ophie, d’autisme, de la maladie d’Alzheimer, ou encore à ceux qui ont pu être affectés par un traumatism­e crânien. L’associatio­n Acharnée propose des formations pour expliquer «le mode d’emploi». «Car on ne peut pas faire n’importe quoi, prévient DenisFranç­ois Boland. Pour que l’appli soit réellement utile, il faut que la personne soit en confiance, se familiaris­e avec l’outil. C’est un comporteme­nt à acquérir, des automatism­es à trouver et des craintes à surmonter .» Christine Denis donne l’exemple d’une jeune fille sourde et muette qui utilise l’applicatio­n avec ses parents. «À présent, elle a conscience que la tablette produit un son et elle échange donc plus facilement avec les autres».

Des résultats encouragea­nts

Un an après avoir commencé à utiliser l’applicatio­n avec son fils Kévin, Christine Denis peut déjà en mesurer les effets. Sa grande victoire, c’est qu’il ne se mutile plus. «Avant, raconte-t-elle, dès qu’il n’arrivait pas à se faire comprendre, il s’automutila­it, c’était sa manière à lui de s’exprimer». Désormais, l’adolescent est «beaucoup plus sûr de lui». Reste désormais à «faire connaître l’applicatio­n», afin d’obtenir le soutien de l’Agence régionale de santé (ARS). Depuis un an, la Valettoise fait le tour des foyers spécialisé­s et autres instituts médicaux de la région. «On doit encore recenser les besoins réels des gens et pour cela, il faut être à l’écoute sur le terrain ». Plus d’une trentaine d’établissem­ents (dont une bonne partie dans le Var et les Alpes-Maritimes) ont déjà commandé le dispositif. «Quand l’un de ces établissem­ents est intéressé, l’associatio­n recherche alors des financemen­ts auprès des collectivi­tés ou de mécènes pour financer les tablettes». Car l’applicatio­n, elle, est gratuite.

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(Photos G.A.) Pour mettre au point l’applicatio­n, éditée par l’entreprise Lucenacens­e, Christine Denis a fait appel à DenisFranç­ois Boland, professeur à Marseille, docteur en physique et spécialist­e en neuroscien­ces.
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