Les zones d’ombre du crime de l’Ubac à Toulon
Six mois après le meurtre de Sabri Benfaiza, dans un lotissement blotti sur le versant nord du mont Faron, l’enquête se concentre sur le mobile et la piste d’un « banditisme local »
Assassinat au clair de lune à Toulon. Six mois ont passé depuis le guetapens meurtrier dans lequel est tombé Sabri Benfaiza (1). C’était un samedi soir, la veille du second tour de l’élection présidentielle, dans un quartier tranquille de la ville. Le trentenaire s’installe au volant de la voiture familiale, il fait tourner la clé de contact, et est abattu avant même d’avoir entamé la première manoeuvre. Il est 22 h 30, ce 6 mai 2017, dans le lotissement Les Jardins du Faron, au bord du chemin de l’Ubac qui transperce d’est
(2) en ouest le versant nord du mont toulonnais. L’impasse où se déroule la scène est plongée dans l’obscurité, le système d’éclairage de la copropriété étant opportunément désactivé. Sabri Benfaiza, 34 ans, a été mortellement touché par au moins un tir à la tête. À bout portant. « On ne lui a laissé aucune chance. » Le ou les auteurs du crime, manifestement au fait des habitudes de la cible, quittent les lieux sans être vus. On ne sait rien du véhicule de fuite, ni de la direction empruntée : à l’est vers La Valette-du-Var, à l’ouest les cités toulonnaises et la route du Revest. L’arme n’a pas été retrouvée. Enfin, dans ce coin isolé et boisé de la ville, il n’y a pas de vidéosurveillance. Le mode opératoire du « crime de l’Ubac » témoigne d’une détermination et d’un aguerrissement qui font froid dans le dos. Cette façon de procéder a l’apparence d’un «règlement de comptes entre malfaiteurs ». À Toulon, on n’a pas connu ça depuis l’exécution de Pascal Perletto, criblé de balles le 2 juin 2011, à L’Aguillon, un autre quartier résidentiel de la ville.
Des fréquentations douteuses
La comparaison s’arrête là. Ses antécédents judiciaires – six condamnations entre 2010 et 2015 pour des délits simples – ne font pas vraiment de Sabri Benfaiza une figure du « milieu toulonnais » (dont on dit qu’il est en perte de vitesse, en tout cas plus discret). Vols, outrage et rébellion, menaces, délit routier… Bref, du menu fretin et jamais de stups. Le mystère du crime de l’Ubac s’épaissit un peu plus avec l’esquisse d’un portrait sibyllin de la victime. Présenté comme « débrouillard », le trentenaire, papa d’une petite fille, était revendeur de voitures d’occasion, sans toutefois disposer de locaux commerciaux. Cette activité déclarée, et bien réelle, masquait-elle des affaires moins avouables ? Difficile à dire. On évoque tout au plus « un profil trouble, équivoque », voire des « fréquentations douteuses ». Sabri Benfaiza aimait « sortir sur Toulon faire de belles soirées » mais ne menait pas un train de vie dispendieux.
Le mobile du meurtre au coeur de l’enquête
En définitive, la clé de l’énigme repose en grande partie sur la découverte du mobile du meurtre, pas encore établi. La tâche incombe aux enquêteurs de la police judiciaire de Toulon, chargée d’une enquête sans doute complexe. Même s’il s’agit, selon la formule consacrée, de « ne pas se mettre d’oeillère », il est difficile d’imaginer que le scénario du piège de l’Ubac puisse relever de l’impulsivité d’un crime passionnel, même au sens le plus large de l’expression (jalousie, différend familial, dispute qui dégénère…). Certes, l’élimination minutieuse de Sabri Benfaiza tranche avec la technique d’un règlement de comptes « à la marseillaise » qui consisterait à utiliser une kalachnikov pour « arroser » une cible. Elle relève cependant de la même mécanique, celle qui pousse des malfaiteurs à supprimer de sang-froid une personne qui gène ou qui trahit. Dès lors, se dessine la piste d’un banditisme local.
1. Nos éditions des 8 et 9 mai 2017. 2. Aussi connu sous les noms de chemin de l’Uba et de l’Hubac.