Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Avant le « grand tourisme »

La campagne de Russie

- ANDRÉ PEYREGNE

L’attirance de Pauline pour notre région s’explique avant tout par sa proximité avec sa Corse natale. Elle fréquente aussi notre région par nécessité médicale lorsqu’en  le médecin de Napoléon, le célèbre Corvisart, l’envoie à Hyères respirer l’air du midi. Ce n’est pas, a priori, l’attrait mondain qu’elle recherche dans notre région. Le tourisme aristocrat­ique n’existe pas encore. Lorsqu’en , elle arrive à Nice, la promenade des Anglais n’existe pas. Un premier « chemin du bord de mer » ne sera construit qu’en . On trouve cependant quelques riches propriétés donnant sur la mer – dont la villa Grandis dans laquelle elle habita. Quant à Hyères, la ville ne connaîtra son essor touristiqu­e que vingt ans après le passage de Pauline. Il existe cependant quelques demeures comme la villa Le château Bouillidou au Cannet-des-Maures où se sont retrouvés Napoléon et Pauline. du col de Tende pour gagner la capitale du Piémont. Voici donc Pauline à Turin. Là, elle s’éprend furtivemen­t d’un autre musicien, le violoniste Paganini, venu donner un concert. La liaison avec ce violoniste – qui devait mourir en 1840 à Nice, accusé d’être hanté par le diable – ne dura pas. Il est vrai qu’il était l’amant… de la soeur de Pauline, Élisa Bonaparte, épouse du prince de Lucca, en Italie ! Pauline reviendra en 1812 dans notre région.

À Hyères, elle s’éprend d’un officier

1812 : l’atmosphère a changé. Napoléon s’embourbe dans la campagne de Russie. Pauline est malade. Elle est venue se soigner à Hyères. Elle arrive le 3 novembre avec sa suite de quarante personnes, six voitures et trente chevaux. Elle loge dans la maison Filhe, devenue par la suite Park Hôtel, abritant aujourd’hui le conservato­ire Filhe, où l’impératric­e Joséphine a séjourné avant Pauline. Cette villa, qui tient son nom de l’ancien capitaine de cavalerie de Louis XVI, Jean-Baptiste Filhe,

se trouvait au centre d’un jardin comptant...   orangers. et les archives municipale­s. L’officier Auguste Duchand lui tient la main. C’est son amant du moment. Ils se promènent à l’ombre des palmiers ou en vue des Îles d’or. Il la pousse sur la balançoire. Elle adore cela. Mais fin novembre, parviennen­t les mauvaises nouvelles de la campagne de Russie. C’est la Bérézina ! Duchand, l’ancien héros d’Austerlitz, décide de repartir au combat et d’aller prêter main-forte à Napoléon. Pauline se retrouve seule. Elle repart donc pour Nice, s’embarquant le 7 février 1813 à bord de la corvette impériale la Victoire. Elle logera à nouveau dans la villa Grandis. Elle y restera jusqu’en mai, où elle reprendra la mer pour SaintRapha­ël et la calèche pour Gréoux. Elle passera non loin du Cannetdes-Maures, dans le Var. C’est précisémen­t là qu’on la retrouvera le 26 avril 1814, séjournant au château du Bouillidou mis à dispositio­n par son ami député Louis Charles. L’heure est grave. Napoléon a abdiqué et est amené, prisonnier, à Saint-Raphaël où on l’embarquera pour l’île d’Elbe. Sur la route, il est autorisé à rendre visite à Pauline. Ils tombent dans les bras l’un de l’autre. Elle était la seule de la famille à lui rester fidèle. Au crépuscule de sa vie, à Sainte-Hélène, Napoléon écrira : « Pauline, la plus belle femme de son temps, a été et demeurera jusqu’à la fin la meilleure des créatures vivantes. » Il n’avait pas oublié cette étreinte de sa soeur, en avril 1814, dans ce château du Cannet-des-Maures. La campagne de Russie, dont il est question dans le récit, a été menée par Napoléon en . Après avoir conquis presque toute l’Europe, Napoléon a entrepris de conquérir la Russie du tsar Alexandre Jusqu’à la prise de Moscou, l’avantage est aux forces napoléonie­nnes. Mais l’hiver arrive. Les maladies et le froid déciment l’armée française. Le  novembre , la bataille de la rivière Bérézina aboutit à sa déroute. Pauline Bonaparte est née le  octobre  à Ajaccio dans la maison familiale des Bonaparte. Elle a quatre frères et soeurs aînés: Joseph, futur roi de Naples et d’Espagne, Napoléon, Lucien, Elisa, future princesse de Lucca et duchesse de Toscane, Louis, futur roi de Hollande et père de Napoléon III. Elle aura une soeur et un frère cadets : Caroline, future reine de Naples, et Jérôme, futur roi de Westphalie. Pauline Bonaparte épouse en  à Milan le général Charles Leclerc. Ils auront un fils, prénommé Dermide Louis Napoléon, qui mourra à l’âge de  ans. Elle n’aura plus d’autre enfant. Pauline accompagne son mari à SaintDomin­gue (aujourd’hui Haïti), envoyé pour mater une rébellion. C’est là qu’il trouvera la mort. L’échec de cette mission française aboutira à l’indépendan­ce d’Haïti. Pauline Bonaparte se remarie le  novembre  avec Camille Borghèse, prince romain amateur d’art possédant un riche palais à Rome et de vastes domaines. Napoléon achète la collection d’art des Borghèse, qu’il destine au Musée du Louvre. Le Sénat le nomme prince français. Devenu colonel de la garde impériale, Camille Borghèse accompagne­ra Napoléon lors des campagnes d’Allemagne, Prusse, Pologne – laissant seule sa femme en proie à ses amants. %Comme tous ses frères et soeurs, Pauline Bonaparte reçoit de la part de Napoléon un titre de noblesse et de souveraine­té. Elle est nommée duchesse de Guastalla, en , par Napoléon lorsque celui-ci est devenu roi d’Italie. Guastalla est située dans la plaine du Pô, dans la province d’Emilie, à proximité de Reggio, Parme et Mantoue. Le duché est attribué à Pauline Bonaparte et son mari Camille Borghèse. Vers , Pauline revient vivre auprès de son mari Camille Borghèse à Florence. Sa santé décline, elle meurt dans cette ville en , âgée de  ans, sans descendanc­e. Elle fut d’abord inhumée dans la basilique Santa Croce de Florence puis dans la chapelle Borghèse de la basilique Sainte-Marie-Majeure de Rome. C’est là que sont enterrés les membres de la famille Borghèse, dont un autre Camille (-), devenu pape sous le nom de Paul V.

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(Photo DR) (Photos DR) (Photo DR) La villa Filhe, devenue Park Hôtel à Hyères (à gauche) et la villa Grandis devenue villa Furtado-Heine à Nice (à droite).

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