Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Vivre sans poubelle au quotidien, c’est possible

Depuis près d’un an, Aline, Michel et leur fille Justine font la guerre aux déchets ménagers, et tout particuliè­rement au plastique. Les astuces sont simples... et le résultat est surprenant

- GUILLAUME AUBERTIN

Il suffit parfois d’un simple déclic. Mais pour les Sulter, les choses se sont faites petit à petit. D’abord, la famille hyéroise a vite déchanté, il y a cinq ans, en emménagean­t dans une résidence hyéroise « où les gens balancent encore leurs déchets dans un vide-ordures, comme dans les années 70 ». Très vite, la famille a commencé à crouler sous les cartons et les emballages divers. «On s’est dit que ce n’était plus possible et qu’on allait se lancer dans le recyclage. » Quitte à devoir « prendre un caddie et mettre quinze minutes pour se rendre à pied au tri ». Vétérinair­e biologiste de profession, soucieuse du respect de l’environnem­ent, Aline a souvent du mal à se dire… qu’on est en 2 017. Il y a quelques temps, la jeune maman a eu un autre déclic. Celui-ci s’est présenté sous la forme d’une banale liste de fourniture­s scolaires. « Quand j’ai vu que la maîtresse de ma fille demandait 50 gobelets et 50 assiettes en plastique par élève, raconte-t-elle encore sous le choc, j’ai eu du mal y croire. » Toute la famille est donc passée à la vitesse supérieure. La guerre aux déchets était déclarée.

Le mode d’emploi

S’il y a bien une chose qu’Aline a « du mal à comprendre, c’est la barquette en plastique pour la fraise. Pourquoi toutes les fraises sont-elles vendues dans des barquettes en plastique?» On trouverait bien une réponse toute faite pour la rassurer mais le lobby des fabricants de barquettes en plastique est sans doute plus puissant qu’on ne le croit… On est donc gentiment accueilli par Justine, 5 ans, qui nous a vus arriver de loin avec notre blocnotes de journalist­e à l’ancienne : « Oui à la vie, non au papier. » Telle est la devise de la maison, parfaiteme­nt récitée par cette élève de maternelle qui s’apprête à rentrer “chez les grands”. Comme le rappelle souvent sa maman, avec nostalgie, «vers l’après-guerre, on ne se posait même pas ces questions. Nos grands parents étaient vraiment au top niveau zéro déchet ». Seulement voilà… les temps ont changé. La guerre aux déchets est une «bataille qui se joue au quotidien ». Évidemment, tout n’est pas simple. «Au début, je me sentais un peu seule dans ma démarche, reconnaît Aline. On avait déjà contacté les pouvoirs publics pour qu’ils fassent des efforts dans notre quartier mais on n’a jamais eu de réponse. » La Hyéroise estime que «quand on a un problème, mieux vaut chercher des solutions ensemble» . Aujourd’hui, ces solutions sont à portée de quelques clics sur Internet. Les Sulter ont surtout acquis une bible en la matière: un livre intitulé La Famille zéro déchet, sorte de petit guide pratique garni d’astuces en tout genre pour éviter de produire des déchets. On y explique, en gros, que rien ne se jette. Tout se récupère, tout se fabrique. Et le principe s’applique dans toutes les pièces de la maison…

La cuisine

À la fin de chaque repas, c’est le même rituel : « Ça nous prend juste cinq minutes. On trie les restes et on les prépare pour le compost. » Dans la cave, le lombricomp­osteur s’en lèche déjà les babines. À table, même Justine fait sa part en découpant les cartons de papier toilette qui partent eux aussi au compost. «Si on ne met que des légumes, explique Aline, ça déséquilib­re le milieu et le ver meurt, donc on est obligé d’apporter du carbone. » C’est bien simple, la poubelle n’existe pas. Tout a une fonction. Même les queues de cerise! «En infusion, c’est très bon pour la circulatio­n du sang. » Et les noyaux ? « Il faut bien les laver, et vous pouvez fabriquer des coussins avec, que vous chauffez au micro-ondes avant de le poser sur une blessure, ça soulage si vous vous êtes cassé le pied ou autre chose.» Tout ce qui ne va pas au composteur part au seau à Bokashi : viandes, poissons, agrumes, ail, oignons, restes d’infusion… En japonais dans le texte, le seau à Bokashi signifie “matière organique fermentée”. Tout est dit, ou presque. Une fois la fermentati­on finie, « en général au bout de trois semaines », le compost est enterré dans le jardin et fait un très bon engrais. Résultat : la famille est fière de son petit potager. « Melons, tomates, herbes, ça a poussé tout seul du jour au lendemain.» Pour faire la vaisselle enfin, plus besoin de produit non plus. «Un simple savon de Marseille à 5 euros pièce suffit. Et cela dure au moins un an ou deux. » Pareil pour les autres produits ménagers. Un peu de bicarbonat­e et de vinaigre de vin blanc et votre nettoyant vitres est prêt. Pour la lessive ou le sol, Aline n’utilise plus que du savon noir. «Avec ça je fais tout.» Un peu comme le marc de café. « Ça, c’est génial. Soit ça va dans le lombricomp­osteur, soit dans les plantes, ou je m’en sers pour déboucher les éviers, récurer les plats et même pour me faire des gommages. » Évidemment, les éponges sont « tissées avec des chutes de tissu» et lorsque, vraiment, les casseroles sont trop cramées, un peu de coquille d’oeufs en poudre fait parfaiteme­nt l’affaire.

La salle de bain

«C’est la pièce où on a le plus travaillé pour réduire nos déchets», présente fièrement Aline. Effectivem­ent, rien ne traîne sur les bords de la baignoire. «Avant, on avait cinq flacons de gel douche, et de shampooing pour enfant… aujourd’hui, on n’a plus que deux savons en tout et pour tout. » Une technique plus pratique, plus économique, et plus efficace aussi : «Avec les produits de grande surface, on avait des problèmes de peau, mais maintenant, c’est fini. » Le savon est préparé avec du lait d’ânesse, et la savonnette pour les cheveux à base d’huiles essentiell­es, à la lavande «pour éviter les problèmes de poux à l’école ». Mais il existe d’autres techniques pour le lavage des cheveux : la compote de pommes. « C’est très efficace, assure Aline, et ça plaît beaucoup aux enfants. » Le dentifrice est lui aussi, fait maison, à l’ancienne, dans un pot à confiture recyclé : « un peu de carbonate de calcium (du blanc de Meudon), du bicarbonat­e de soude, des huiles essentiell­es et du sel.» La mousse à raser? Pas besoin. Un simple blaireau avec un peu de savon suffisent. Le déodorant? Quelques gouttes d’huiles de coco ou de palmarosa sous les bras et vous voilà frais ou fraîche pour affronter la journée. Même les serviettes hygiénique­s de madame ont disparu de l’étagère. Aline a opté pour la coupe menstruell­e. «On en achète une ou deux et ça tient toute la vie.»

Des résultats concluants

Plus la peine d’aller toutes les semaines au tri sélectif. «On doit y aller trois fois moins qu’avant, estime Michel. Au début, confie-t-il ,je préférais enterrer le compost dans le potager la nuit, car les voisins avaient du mal à comprendre.» Mais ça, c’était avant. « On leur a finalement expliqué que ça nourrissai­t les arbres et maintenant, certains nous demandent même des conseils.» Comme quoi, les bonnes initiative­s peuvent vite devenir contagieus­es. La famille se sent proche des Colibris, le mouvement fondé par le paysan-philosophe Pierre Rabhi. « On a découvert ça et l’idée que chacun fasse sa part nous a beaucoup décomplexé­s», raconte Aline. D’autant plus qu’eux ne se sentent pas complèteme­nt investis. «Certaines familles sont même beaucoup plus extrémiste­s que nous, et utilisent par exemple du papier toilette recyclable, qu’ils lavent et réutilisen­t. » Contrairem­ent à ce que l’on pourrait penser, Aline, Michel et Justine vivent plus cela comme un jeu qu’une contrainte. «On a changé notre mode de vie sans que cela nous impacte, conclut la maman. Au final, c’est très ludique pour notre fille. Qu’on fasse une recette de gâteau ou qu’on prépare du dentifrice ou du déodorant, elle s’amuse autant, elle apprend, elle découvre. Pour elle, c’est un jeu. »

 ?? (Photo G.A.) ?? La famille Sulter, qui habite à Hyères, se sert notamment d’un livre intitulé La Famille zéro déchet. Avec ce petit guide pratique, ils essayent de mener à bien leur combat quotidien.
(Photo G.A.) La famille Sulter, qui habite à Hyères, se sert notamment d’un livre intitulé La Famille zéro déchet. Avec ce petit guide pratique, ils essayent de mener à bien leur combat quotidien.

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