Var-Matin (La Seyne / Sanary)

TENNIS RENCONTRE AVEC MARAT SAFIN

- Texte : Christophe DEPIOT Photo : Jean-François OTTONELLO

Il n’a pas changé. Ou si peu. Tout juste la barbe a-t-elle viré un chouïa poivre et sel... Du haut de sa - très - grande carcasse, Marat Safin en impose encore. Plus que le pas, le geste, chez lui, est naturellem­ent chaloupé. L’attitude un rien féline. Autant dire que l’ex-beau gosse du tennis russe,  ans désormais, ne passe pas inaperçu. Au Sportel de Monaco, il est venu promouvoir une société d’événementi­el sportif, dont il est actionnair­e. On s’est dit que quelques échanges (de questions) vaudraient le détour : Safin, quand même ! Ancien numéro un mondial, double vainqueur en Grand Chelem, double vainqueur de la Coupe Davis. Surtout, un caractère et un talent gros comme ça. Sans oublier, évidemment, son nombre incalculab­le de raquettes cassées par colère, en tournoi... A côté de lui, Benoît Paire passerait pour un bisounours. Bref, Marat Safin, c’est le genre de ‘‘client’’ qu’on aime avoir au bout du magnétopho­ne. Même si c’est en anglais. Et par interprète interposé. Marat, qu’est-ce qui vous amène à Monaco, précisémen­t au Sportel ? En fait, après six ans passés au gouverneme­nt russe après la fin de ma carrière, j’ai décidé de faire autre chose avec Go Events. C’est une société qui propose tout un tas de services aux médias, lors des grandes compétitio­ns sportives. On s’est connus durant nos carrières avec Sergio Roitman (ex-tennisman argentin, NDLR), qui a monté ce business où il faut aller droit au but. Et j’avoue que ça me plaît !

Qu’aviez-vous de concret à réaliser dans le domaine politique ?

En six ans, on a fait passer un certain nombre de lois. On a promulgué des lois concernant les élections municipale­s, pour permettre aussi plus facilement aux gens d’accéder à la vie politique, la tolérance en matière de religion. Des choses très importante­s quand on sait qu’en Russie, il y a  groupes ethniques, c’est énorme ! Chacun est différent, et pourtant on vit dans le même pays. C’est pour ça qu’il faut qu’il y ait un cadre, avec des règles précises. (Il rigole : ‘‘Là, j’ai été assez court pour l’interprète, non ?’’)

Aujourd’hui,  ans après avoir arrêté votre carrière, suivez-vous le tennis?

Non, pas vraiment... (sourire) À part quand je joue, en fait. Je vois des gens, et je me dis, ‘‘Mince, lui, il est encore en vie ?’’ (rires).

Vous avez gagné deux Grand Chelem Ndlr) et deux Coupes Davis...

(Australie et US Open, (Il coupe avant qu’on ait fini de poser la question) Suffisant!

Justement était-ce inespéré ou pouviez-vous faire mieux ?

C’était inespéré au départ. Mais en réalité, j’aurais pu faire mieux. Dans le sens où j’ai été trop blessé durant ma carrière. Je jouais un an et j’étais blessé un an. J’étais inconsista­nt. Je ne faisais pas assez attention à certaines choses... Mais je pense que j’aurais pu gagner cinq Grand Chelem. Je le saurai pour la prochaine fois (rires)...

Vous aviez une réputation de surdoué mais aussi de fêtard. Était-elle fondée?

Non. Écoutez-moi, sérieuseme­nt, vous croyez que si vous n’êtes pas profession­nel, vous pouvez devenir n° mondial, être dans les top joueurs mondiaux comme je l’ai été ? Faire la fête et jouer au top niveau, ça n’existe pas ! Il y avait beaucoup de jalousie de la part d’autres joueurs, tout simplement, qui aimaient colporter des ragots... Et aujourd’hui j’en souffre ! (rires)

Excepté Sharapova, le tennis russe n’a plus de têtes d’affiche comme avant. Pourquoi?

Rien n’est facile en Russie pour percer dans le tennis. La Fédération n’aide pas vraiment pour inciter les jeunes à pratiquer. On n’a pas assez de coaches profession­nels, c’est trop cher. Il n’y a pas assez de courts... Moi j’ai quitté la Russie à  ans, André (Chesnokov, Ndlr) quand il avait  ans, Kafelnikov à  ans aussi. Ça explique beaucoup de choses...

Revenons à la politique : vous avez travaillé avec Vladimir Poutine en tant que député, que pouvez-vous en dire ?

Non, je n’ai pas travaillé avec lui, j’ai travaillé pour lui. C’est différent !

Quel homme est-il ?

Je ne l’ai croisé que deux fois et je ne lui ai jamais parlé, car je n’étais pas à son niveau. Je suis très loin de savoir quelle personne il est. Je le respecte en tant que président, je respecte les décisions qu’il prend, mais je vous le répète, je n’ai jamais eu de conversati­on avec lui.

Que pensez-vous des soupçons de dopage d’État, concernant l’athlétisme russe ?

J’ai entendu ça. Il y a beaucoup de pays, je pense, qui font ça. La Chine aussi, je crois...

N’est-ce pas une déviance de certains très grands pays, qui sont prêts à tout pour performer sur la scène internatio­nale ?

Pourquoi n’accuser que la Russie ? C’est aussi un problème individuel. Regardez Lance Armstrong, Marion Jones, Agassi, Ben Johnson, Indurain... Pourquoi ne parler que du dopage d’État ? C’est un problème général.

Que diriez-vous des tennismen français ?

Ils sont incroyable­ment talentueux ! Ils ont un talent fou mais sont très fragiles. Quand ils doivent gagner et qu’ils ont une chance de gagner, il se passe toujours quelque chose qui fait qu’au final, ils ne gagnent jamais! Et pourtant ils jouent bien, croyezmoi : bim, bam, boum (il mime les gestes), mais gagner un tournoi, ça, ils ne peuvent pas (rires) ! Regardez Pioline, incroyable joueur, combien de finales a-t-il joué? Deux, je pense... Tsonga? Fabuleux joueur. Fabuleuse équipe de Coupe Davis, la France. Mais non, non, non...

Je n’ai jamais parlé avec Vladimir Poutine ”

La Coupe Davis, les joueurs s’en moquent aujourd’hui, pourquoi ?

Je crois qu’ils sont cramés par la saison qui est longue. Jouer, jouer, jouer... À mon avis, il faudrait la jouer tous les quatre ans, comme la Coupe du monde de foot. Ou tous les trois ans.

Justement, la Coupe du monde de football en Russie, ça va être une grande fête ou ça risque d’être le chaos avec les hooligans russes ?

Ça peut être tout et n’importe quoi ! Non, plus sérieuseme­nt, c’est une image qu’on va donner. Les gens vont venir et voir ce qu’est la Russie. Vous avez un mois pour visiter et vous forger une opinion, et pas celle de CNN... Mais la Russie vous savez, c’est très exotique !

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