Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Hôpital: la porte ouverte à toutes les dérives ?

Le sexisme et le harcèlemen­t sexuel à l’hôpital sont presque institutio­nnalisés. Et donc normalisés. Par tradition, mais pas que… Témoignage­s

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On accepte peut-être plus que dans d’autres milieux des choses que l’on ne devrait pas accepter c’est vrai. » Sophie en a conscience. La jeune interne au CHU de Nice croit même devoir l’expliquer. « La pression est constante, c’est une façon de décompress­er pour les hommes. En dehors, ils sont tous ou presque différents et respectueu­x ». Pour autant, elle concède : « Je me rends compte en disant ça que je les excuse ». Et ça agace un peu sa consoeur : « Voilà, ça aussi c’est un symptôme de la maladie. Ne plus relever s’en accommoder. On cautionne et ce n’est pas normal. Il faudrait ne plus se laisser faire, mais toutes ensembles, sinon ça n’évoluera pas ». Gestes déplacés, demandes sexuelles insistante­s, simulation cochonnes, propos bien plus que grivois, logorrhées sexistes ou encore remarques impudentes sur la façon de s’habiller… L’hôpital, ce lieu où tous les « coups» sont permis ? Où le sexisme et le harcèlemen­t sexuel sont rois, légitimés, entre autres, par la fameuse tradition carabine ?

« Ils sont gras et vulgaires »

Toutes les deux ont eu droit et ont encore droit à leur lot de« remarques ». Pas de harcèlemen­t à proprement parler. « Ils sont gras, vulgaires. “T’es chaude ? Viens me montrer que tu n’es pas frigide” , ou : “viens je vais te décontract­er”… Voilà, on accepte et même on rit un peu par habitude et par peur d’être saquées. » Sophie confesse: « J’ai connu un cas dégueulass­e. Une aide soignante avec qui j’avais sympathisé qui a dû faire une gâterie à un chef de service alors qu’elle ne voulait pas. Elle me disait : “je ne pouvais pas dire non”. Elle était vraiment mal car en plus elle le respectait en tant que super pro ». Pression, pouvoir, domination, admiration : ce cocktail qui exacerbe le sexisme en milieu hospitalie­r. Avec une souffrance sourde car le sujet reste tabou. «Ily a la peur des représaill­es », avance, entre autres, Valérie Auslender, médecin, attachée à Sciences Po Menton, auteur de « Omertà à l’hôpital, pour dénoncer les maltraitan­ces faites aux étudiants en profession­s de santé ». Un livre, sorti en mars dernier, qui a permis de briser le silence. Plus récemment c’est l’Isni, l’intersyndi­cale des internes qui a publié une enquête édifiante (lire encadré ci-contre). À l’hôpital aussi, un verrou est en train de sauter. Sophie, pourtant, n’y croit pas. « Ce n’est pas demain la veille que ça va changer ».

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