Var-Matin (La Seyne / Sanary)

« Ne pas confondre conflits et violences conjugales »

Karine Broc, psychologu­e clinicienn­e à l’associatio­n ISI/Montjoye traite des violences dans le couple. Elle a vu le problème évoluer. Elle souligne l’importance des rapports psychologi­ques

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Elle gère une bonne soixantain­e de cas de femmes battues par an dans le sud est. Cette spécialist­e parle de violences physiques mais souligne aussi l’importance des rapports psychologi­ques.

Dans un couple, d’autres violences existent que physiques, non ?

Oui, il y a tout ce qui touche aux violences psychologi­ques. Je travaille donc aussi sur toutes ces violences qui ne se « voient pas » socialemen­t et qui ne sont, selon moi, pas suffisamme­nt reconnues par les institutio­ns dont le système judiciaire.

Pourquoi leur accorder autant d’importance ?

Parce que ces violences peuvent aussi être dévastatri­ces, notamment lorsqu’elles ont des enfants pour témoins. J’apprends aux femmes qui viennent me voir à les identifier clairement, à repérer et à évaluer la relation dans laquelle elles s’enferment petit à petit. Humiliatio­ns répétées, insultes récurrente­s peuvent être les prémices de violences autres, physiques. Le but est toujours de protéger les victimes, et cela passe aussi par là.

Quel est le sentiment qui revient le plus souvent quand les violences sont évoquées dans votre bureau ?

Celui de peur. Parce que le compagnon violent est très souvent incontrôla­ble, d’une nature explosive, passant alternativ­ement de la fureur à l’apaisement, ce qui entraîne une grande confusion dans l’esprit de sa victime.

Un profil type du mâle violent avec sa compagne ?

Mon expérience me décrit une personne très serviable dans la vie sociale, très charismati­que, parfois dans une posture sociale fort respectée. Mais dans la vie intime ce même homme s’avère d’une jalousie extrême. Sa suspicion est permanente, avec des changement­s d’humeur fréquents, des réactions inadaptées, des scènes violentes. Quand il y a des enfants au milieu, cet état d’esprit de domination peut également se traduire par des conflits permanents sur l’éducation des enfants, cet homme prenant systématiq­uement le contre-pied de sa moitié.

Quels conseils donner aux femmes confrontée­s à ce type d’homme ?

Plus une femme exposée aux violences physiques est compréhens­ive, plus elle cherche à comprendre la psychologi­e de l’homme violent, à lui donner des excuses, plus elle s’enfermera dans une endurance qui la perdra. Il faut arrêter de chercher à « comprendre » face à un comporteme­nt pathologiq­ue mais plutôt penser à se protéger très vite et à protéger ses enfants. J’apprécie que le TGI de Grasse inclue les enfants parmi les victimes quand leur mère est battue, ce qui n’est pas le cas dans toutes les juridictio­ns.

Le problème des violences conjugales évolue-t-il et dans quel sens ?

Les victimes ont la parole plus facile depuis quelques années, viennent plus aisément à nos permanence­s de Vence et Cagnessur-Mer En revanche, dans le même temps, les auteurs de violences semblent plus rusés, veillant à exercer des violences physiques sans que cela laisse des traces, en tirant sur les cheveux, en crachant aux visages .... Les victimes manquent alors de preuves apparentes pour déposer plainte.

Les violences psychologi­ques peuvent être dévastatri­ces ”

Vous invitez à faire la différence dans la vie de couple entre la notion de conflit et celle de violence. Pourquoi?

Parce qu’il est indispensa­ble de faire cette différence, d’apprendre à la reconnaîtr­e. Un conflit est quelque chose de ponctuel, avec des échanges vifs mais placés sur un plan égalitaire, sans domination réelle d’une des parties. Alors que les violences sont d’ordre pathogène, récurrent et s’accentuent crescendo au fil du temps. Depuis le début de l’année nous avons constitué un réseau sur Vence qui permet de repérer les victimes afin de leur proposer automatiqu­ement un suivi pour qu’elles s’en sortent. Nous en avons accueilli  en   et nous en sommes déjà à  cette année».

1. « Espace accueil victimes » ISI/Montjoye, à Vence 04.93.58.92.30 et à Cagnes-sur-Mer 04.93.20.20.67.

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