Réanimation en musique pour panser douleurs et anxiété Innovation
Seul hôpital en France à abriter un service de réanimation gériatrique, Les Sources à Nice est aussi le premier à proposer la musique pour accompagner les soins douloureux
L’univers de la réanimation médicale. Un lieu où l’on prend en charge les malades les plus gravement atteints. Ceux dont le pronostic vital est en jeu. Autour de ces malades, des soignants qui s’affairent, réalisent des soins complexes, invasifs, au rythme des alarmes sonores émises par les scopes. Un univers qui semble à mille lieux de celui de la musique. L’hôpital privé gériatrique Les Sources à Nice a pourtant fait le pari – improbable – qu’il pouvait les rapprocher. « Je n’y croyais pas du tout au départ », sourit Fanny, aide-soignante au sein du service de réanimation des Sources.
Rythme proche de l’hypnose
Deux ans plus tard, la jeune femme est l’une des plus ardentes défenseurs de ce projet unique en France, dont le Dr Jean-Pierre Fosse, anesthésiste-réanimateur, nous relate la génèse:« L’idée émane de M. Hervé Ferrant [directeur général de l’établissement, ndlr] après qu’il eut assisté à un séminaire sur la musicothérapie : “Il y a probablement quelque chose à faire en réanimation !”, nous a-t-il dit». Un défi que le Dr Fosse, lui-même musicien et chanteur, n’a pas hésité à relever. Première étape : choisir des musiques. « Il n’était pas envisageable de puiser dans le répertoire des musiques existantes, au risque de proposer au patient un extrait lui rappelant des souvenirs désagréables pouvant accroître ses douleurs. Aussi nous sommes-nous tournés vers Music Care [programme de musicothérapie mis au point par des chercheurs de l’Inserm, nldr].» Une application proposant des compositions musicales aussi diverses que le rock, le lounge, le reggae, le bal musette, etc. «Les thèmes ne peuvent être reconnus par les patients et ils ont comme point commun de proposer un rythme proche de celui utilisé dans l’hypnose. Il se ralentit progressivement pour modifier l’état de conscience du patient. Puis le tempo s’accélère jusqu’à la phase de réveil », développe le Dr Fosse. La première étude réalisée par le service a fait l’objet d’un travail de thèse en médecine. Il s’est agi d’évaluer les effets de la musique en termes de tolérance aux séances de ventilation artificielle classiquement très anxiogènes pour les patients (un masque est appliqué sur leur visage). « Sous musicothérapie, les malades sollicitaient beaucoup moins souvent l’intervention non programmée des soignants, signifiant une bien meilleure tolérance à ces séances de ventilation artificielle. »
«C’est simple, et pourtant miraculeux»
Un résultat qui a encouragé les équipes à aller plus loin. « En 2017, on a réalisé une autre étude destinée
(1) cette fois à étudier les effets de la musicothérapie lors des soins infirmiers réputés les plus douloureux : aspiration des sécrétions bronchiques ou situées dans la trachée, mais aussi toilettes, mobilisation des malades pour poser des cathéters, etc.» Quelque 160 soins au total . Les mêmes résultats étaient obtenus, avec une nette diminution de la douleur ressentie, mais aussi de l’anxiété. « Grâce à la musicothérapie, les patients ont même moins mal qu’avant les soins douloureux ! » Fanny, désormais pleinement convaincue, propose ces séances à tous les patients. Ou presque. « On tient compte de notre ressenti, et surtout de celui du malade. Mais ils sont peu nombreux à y être réfractaires. Et même lorsqu’ils le sont un peu au départ, ils nous confient après ces séances que ça leur a fait beaucoup de bien… C’est simple, et pourtant c’est presque miraculeux ! », conclut dans un joli sourire la jeune femme. Un sourire qui raconte aussi le nouveau visage de la réanimation médicale. 1. Objet d’une autre thèse de médecine et présenté lors du Congrès national de la société française d’études et de traitement de la douleur qui vient de se tenir à Nice, ce travail a valu à Victoria Guilbaut, ancienne interne aux Sources, d’obtenir le prix du jury.