Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Bernard de la Villardièr­e: le journalist­e qui dérange

Membre du jury aux Rencontres cinéma de Cannes, le présentate­ur critiqué de Zone interdite, Enquête exclusive et Dossier tabou sur M6 défend son éthique comme son image

- PROPOS RECUEILLIS PAR ALEXANDRE CARINI acarini@nicematin.fr

Il porte son habituelle chemise blanche sans cravate (« Mais j’en mets aussi d’autres couleurs ! »). Impeccable­ment peigné, élégamment mis, le timbre grave et la voix posée, Bernard de la Villardièr­e est fidèle à son image de reporter « chic & choc » sur M6, qui lui vaut parfois critiques. Mais pour cet « investigat­eur » tout terrain, l’habit ne fait pas que le moine. Durant les Rencontres cinéma de Cannes (RCC) où il a officié comme juré, ce n’était pas lui sur l’écran, comme dans ses émissions TV où il apparaît souvent. Mais ce passionné se défend de tout narcissism­e, au seul profit du journalism­e et des exigences de son métier. Oppose sa déontologi­e aux polémiques sur certains sujets. Lui qui se sent « un peu Cannois » car son père a vécu autrefois dans la cité des Festivals, a goûté cette pause 7e art sur la Croisette. Bientôt, il fera ses valises pour repartir en Zone interdite. En attendant, il se confie dans le salon de l’hôtel Splendid. Sans Dossier tabou !

On connaît le journalist­e, moins le cinéphile. Quel film a déclenché cette passion ?

Tous ces films qui m’ont construit à l’adolescenc­e, en particulie­r Vol au-dessus d’un nid de coucou, un chant à la liberté et la volonté de s’affranchir de certains codes. Et puis sur le plan sentimenta­l, le cinéma italien des années , notamment Nous nous sommes tant aimés. Je regrette que le cinéma actuel ne soit pas davantage dans cette veine…

L’affaire Weinstein résonne, alors que vous avez consacré un dossier au harcèlemen­t sexuel...

Ça touche tous les milieux, pas seulement celui du cinéma. Ce qui me frappe, c’est le silence de ces femmes, pendant si longtemps, sans doute par peur d’être mises au ban. C’est dommage, car aucun objectif de carrière ne mérite le renoncemen­t à soi.

Vous avez aussi exprimé une certaine colère sur le sujet ?

Oui, à propos de la condition de la femme dans certains quartiers, où l’islamisme sectaire et sexiste progresse. Ce n’est pas seulement un comporteme­nt machiste, mais une idéologie où le corps de la femme doit être contrôlé. On a mis le doigt là dessus, même si ça n’a pas plu à certains confrères du

«politiquem­ent correct».

Titres de vos émissions sur Cannes : Des jeunes de plus en plus accrocs à la drogue ;

Bijouterie : vols et braquage ,ou encore Drogue et villas de luxe ; Luxe, fête et DJ. Vous vous êtes néanmoins senti en sécurité ici durant les RCC ? (Sourire) Ces problèmes ne touchent pas que les Cannois, mais relèvent de réseaux nationaux et internatio­naux. Mes émissions ne s’appellent pas Échappée belle ni Des racines et des ailes ! Nous, on s’intéresse à ce qui ne tourne pas rond, je n’ai aucun complexe là-dessus. Après mes investigat­ions, je suis déjà persona non grata à Cuba, j’espère ne pas être interdit de séjour à Cannes. Et je suis ravi d’être venu aux RCC, un festival où l’on ne se la pète pas, sans stars, ni strass, ni paillettes…

Le traitement de l’info nécessitet-il une « mise en scène » ?

(Un peu sec) Je ne vois pas ce que ça veut dire. Nous, on retranscri­t la réalité. Évidemment selon un certain prisme, car on fait des choix. L’info est mise en perspectiv­e selon un angle, story telling, comme disent les Américains. Et je suis un des premiers qui a présenté une émission incarnée, en reporter devant la caméra et pas ”derrière, pour éviter de tricher et donner plus d’authentici­té au sujet.

Jeune, vous avez été embauché par Philippe de Villiers à Alouette FM. Journalist­e d’opinion ?

J’ai fait six mois chez de Villiers, mais il m’a viré à  jours de mon mariage, et je ne garde pas un bon souvenir d’Alouette FM. Je n’ai jamais fait de politique. Ado, la lecture de Soljenitsy­ne m’a convaincu d’anticommun­isme, ce totalitari­sme qui survit encore à Cuba ou en Corée du Nord. En revanche, je suis plutôt altermondi­aliste, car engagé auprès d’associatio­ns humanitair­es pour les pays en voie de développem­ent.

Le phénomène Macron ?

Plutôt un libéral qui veut favoriser l’initiative privée, ce qui va dans le bon sens sur le plan économique. Sur la lutte contre l’islamisme, on verra. Moi, je ne suis pas un communauta­riste, et je ne souhaite pas que mon pays ressemble aux USA ou au Liban en guerre. Ce qui ne m’empêche pas d’être très attaché aux droits de l’homme, et féministe. Il n’y a pas de nation sans valeurs communes mais on a fait un gros mot de l’« identité », c’est ridicule.

La polémique, que suscitent parfois vos Dossiers tabous ,une marque de fabrique ?

Pour moi, la polémique, c’est bon signe. Car le bon journalist­e, c’est celui qui dérange ! Mais ces polémiques partent de faits réels : à Sevran, c’était effectivem­ent un lieu de deal, et parmi les jeunes qui nous ont interpellé­s, il y avait bien des salafistes, je le tiens d’un policier spécialist­e du quartier. Et le joint au volant, c’était uniquement pour en dénoncer les dangers. Certains confrères qui me critiquent ne vérifient pas assez l’info et créent de fausses polémiques pour faire le buzz.

La couverture de Society en , utilisant une vieille photo de vous, gros cigare en bouche avec ce titre : présentate­ur réac’, ça vous a blessé ?

La photo date de dix ans ! Mais rassurez-vous, j’ai une excellente image auprès du grand public, Enquête exclusive bat des records d’audience et est regardée par des jeunes, j’y tiens beaucoup.

Votre société de Production s’appelle Ligne de front…

Mon idéal quand j’étais jeune, c’était d’être reporter de guerre. Je le raconte dans mon livre, L’homme qui marche : je rêvais d’être un moine soldat de l’info. Avec la télé, je suis devenu aussi un personnage public, mais ce n’était pas mon objectif.

Au fait, un sujet tabou pour vous ?

Ah ! Peut-être moi-même, dans le fond…

‘‘ Devant la caméra, pour ne pas tricher ‘‘ Je rêvais d’être moine soldat de l’info ! ”

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(Photo Patrice lapoirie)

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