Var-Matin (La Seyne / Sanary)

 : Charles Huber fait pousser à Hyères les premiers eucalyptus de Provence

- ANDRÉ PEYREGNE

C’est la querelle des eucalyptus. Qui de Charles Huber à Hyères et Gustave Thuret à Antibes a fait pousser le premier eucalyptus en Provence ? Quelques botanistes du XIXe siècle ont étudié de près la question. Louis Figuier - un nom prédestiné à être botaniste ! prétend, dans son article sur l’ « Eucalyptus » dans son Année scientifiq­ue et industriel­le en 1868 : « M. Huber, horticulte­ur aux îles d’Hyères, a fait, en 1857, un semis d’eucalyptus globulus, qui a parfaiteme­nt réussi. Un des arbres qu’il a ainsi obtenu mesure 1,90 m de circonfére­nce à la base et 48 centimètre­s à hauteur de 13 m. Sa hauteur serait plus considérab­le encore s’il n’avait pas perdu sa flèche à la suite de coups de vent. »

Il travaille pour le maire à Hyères

De son côté, le botaniste cannois, le Dr Grimbert, dans son traité sur l’« Eucalyptus globulus », indique que « l’arbre a été importé d’Australie en France en 1860 par l’Antibois Gustave Thuret », tout en avançant l’hypothèse qu’« un sujet énorme aurait été planté à Hyères par les frères Huber en 1857 ». Pour sa part, Jules-Emile Planchon écrit en 1875 : « L’introducti­on de l’eucalyptus dans la Provence remonte à peu près à 1858. Le jardin des frères Huber à Hyères possède depuis 1860 le premier exemplaire sous forme d’un arbre comportant une cime pyramidale au sommet d’un gros tronc. À la même époque, M. Gustave Thuret d’Antibes en avait un seul exemplaire planté sans abri sur une pelouse, et déjà victorieux de deux hivers, ce qui en fait remonter la plantation à 1858. » On le voit, il y a une légère divergence dans l’avis des botanistes – guère plus épaisse qu’une feuille d’eucalyptus. Ne chipotons pas. On peut généreusem­ent affirmer que l’un et l’autre ont fait pousser les premiers eucalyptus de Provence. Il se trouve que c’est le premier qui nous intéresse aujourd’hui. Huber est né dans le grand duché de Bade, en 1819, a fait ses études à Heildelber­g et a été invité à Hyères par le célèbre maire de la ville, Alphonse Denis, afin de venir exercer dans sa propriété ses talents et sa passion pour la botanique. Il passe ses journées à bêcher, piocher, cultiver, étudier les humeurs du temps, et faire venir du bout du monde des essences rares. Il s’installe à Hyères en 1870 Dans les années soixante, non content de faire pousser l’eucalyptus, il se lance aussi dans la culture intensive des palmiers – ces arbres exotiques dont quelques espèces poussent déjà en Europe, et dont Chateaubri­and compare joliment les branches à des « éventails de verdure ». Il entre en contact avec Hermann Wildpret, botaniste du jardin d’acclimatat­ion d’Oratava, aux Canaries, qui lui envoie des graines du palmier de ses îles. En 1870, à l’époque du conflit entre la France et l’Allemagne, c’est la France que Charles Huber choisit. Il se fait naturalise­r français. En 1871, il installe avec son frère son établissem­ent horticole situé au niveau du 11 de l’actuelle rue Jules Massel, dans le domaine où, en 1564, Catherine de Médicis, de passage à Hyères avec son fils Charles IX, avait fait construire une « maison royale » entourée d’orangers et de cannes à sucre. Louis XIV, en 1660, lors de sa visite à Hyères, avait fait de ce lieu une pépinière à orangers pour les jardins des Tuileries à Paris et du château de Versailles. La pépinière des frères Huber acquiert une réputation internatio­nale. En 1878, elle exporte différente­s essences pour l’Exposition Universell­e de Paris. La pépinière ouvre une succursale à Nice, la société Charles Huber et Cie. Elle compte, parmi ses clients, les frères Hanbury, du célèbre jardin de la La Mortola à Vintimille (lire notre édition du 1er octobre).

Réputation jusqu’en Amérique du nord

Les établissem­ents Huber se font connnaître jusqu’en Amérique du nord, où ils fournissen­t des plantes vivaces, conifères et autres, comme le rapporte Édouard André, célèbre pour ses Chroniques horticoles àlafin du XIXe siècle : « De vastes champs consacrés à la culture des plantes annuelles et vivaces qui ne mûrissent leurs graines que sous ce chaud soleil du Sud, approvisio­nnent l’Europe et l’Amérique de milliers d’espèces qui ne se trouvent que là. On y remarque notamment la plus belle collection de graminées ornemental­es que nous ayons jamais vue… Une remarquabl­e race de primevères de Chine à feuilles de fougère et à grandes fleurs frangées y est maintenue très pure et très recherchée. Nombre d’autres spécialité­s ont fourni à la maison Huber une renommée étendue. » C’est au faîte de cette renommée que Charles Huber et mort le 20 août 1907 en cette ville d’Hyères qui avait bien mérité – et beaucoup grâce à lui - son nom de « cité des palmiers ».

 ?? (Photo DR) ?? Le jardin Huber en .
(Photo DR) Le jardin Huber en .
 ?? (Photo DR) ?? Charles Huber dans le jardin d’Alphonse Denis.
(Photo DR) Charles Huber dans le jardin d’Alphonse Denis.

Newspapers in French

Newspapers from France