Les lois de l’attraction
« Il y a un moment pour tout sous le ciel, dit l’Ecclésiaste. Un temps pour démolir et un temps pour construire. » En politique, c’est pareil. Mais il arrive que les deux temps ne fassent qu’un. Ce doit être ce qu’on appelle l’accélération de l’histoire. En ce moment, Macron démolit et construit tout à la fois. Ou plus exactement, les autres se démolissent et lui construit. Dans les décombres du PS et les éboulements des Républicains, il récupère ce qui l’intéresse pour élargir son socle et monter les murs. Dans le bâtiment, on appelle ça des pierres de réemploi. Tout le monde avait sous-estimé la puissance de déflagration de l’élection d’un chef d’État non issu des partis traditionnels. Sur leurs organismes, usés, lézardés, minés par les rivalités de clans et les ambitions personnelles, l’effet a été dévastateur. Après le tremblement de terre des législatives, qui ont vu un parti présidentiel sans passé ni racines se tailler sans coup férir la majorité absolue, nous assistons aujourd’hui aux répliques. Réplique, l’entrée au gouvernement d’Olivier Dussopt, ci-devant député Nouvelle gauche, qui fut tour à tour proche de Hamon, d’Aubry et de Valls, et que voilà maintenant macronisé alors qu’il y a quelques jours il votait contre le budget. Répliques, l’adhésion à LREM du trio Solère-Darmanin-Lecornu, et la création du nouveau parti de droite Agir, autour de Franck Riester, Fabienne Keller et autres élus Républicains (ou ex) Macron-compatibles. Ce qui, après tout, signe un relatif échec du mouvement des « constructifs », éparpillés à leur tour par l’effet Macron. Un comble ! Des derniers solfériniens d’un coté, les Républicains purs et durs de l’autre, peuvent bien, pour des raisons symétriques et avec les mêmes mots, crier au « débauchage », dénoncer les « opportunistes »etles« félons » ; Laurent Wauquiez peut bien emprunter au glossaire mitterrandien pour accabler ceux qui ont « traversé le fleuve de la honte », on ne leur fera pas crédit de les croire assez naïfs pour être surpris, ni même sincèrement indignés. Cinq ans, c’est long. À quoi bon croupir dans l’opposition, quand celle-ci est soit explosée et impuissante, soit aspirée vers les extrêmes ? La politique n’échappe pas aux lois universelles de l’attraction. On ne va pas feindre de découvrir aujourd’hui que dans la e République, tout tourne autour du président, maître des horloges… et des carrières. Tout juste notera-t-on que Macron, bien que néophyte en politique, révèle ici une vision stratégique et une adresse tactique dont peu le croyaient capable. De sorte qu’après le big bang de mai, dans la soupe primitive où mijotent les futurs regroupements d’un système politique en pleine recomposition, les familles désunies de la droite en sont réduites à se définir par leur distance à l’Élysée. Cela donne cinquante nuances de droite : des néo-LRM solériens aux opposants % anti-Macron tendance Wauquiez, en passant par les macronophiles « libres » d’Agir, l’opposition « juste » de Valérie Pécresse et son mouvement «Libres!», « ni Macron, ni Buisson mais un aiguillon du gouvernement », Alain Juppé qui imagine une convergence aux Européennes, Gérard Larcher qui souhaite « la réussite de son pays », Christian Estrosi et sa « France Audacieuse », « ultime rempart face aux extrémistes ». Tout un éventail de sensibilités ou de positionnements déterminés par leur degré de macronisation, ou si l’on préfère par leur degré d’allergie à la ligne Wauquiez, ce qui revient à peu près au même. Ce qui sortira de ce grand chamboule tout ? La cristallisation d’un grand pôle central marginalisant les deux bouts de l’omelette ? Ou une repolarisation du système politique, sur de nouvelles lignes de force, suivant les enjeux politiques d’aujourd’hui (Europe, identité, etc.) et non ceux des années ? « Il y a un moment pour tout sous le ciel, un temps pour déchirer et un temps pour coudre… »
Cinquante nuances de droite après le big bang