Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Pierre Sibille, de la Grande Bleue à la Grosse Pomme

À 44 ans, ce musicien profession­nel hyérois rentre d’une série de concert à New York où il a rendu hommage à Bob Dylan, l’icône folk américaine, lauréat du prix Nobel de littératur­e 2016

- PIERRE-LOUIS PAGÈS plpages@varmatin.com

Il porte le même nom que Dame Sibille, dernière détentrice de la seigneurie de Toulon au XIIIe siècle. Mais les liens entre eux ne vont apparemmen­t pas au-delà de l’homonymie. Lui, c’est Pierre. À l’époque de Dame Sibille, au Moyen Âge, peut-être aurait-il été troubadour. Mais en ce XXIe siècle, il a choisi d’être musicien. Avec un fort penchant pour le blues. « Au sens large du terme », précise-t-il aussitôt. Hormis un grandoncle aveugle, qu’il n’a jamais rencontré mais dont il a hérité du piano à l’âge de six ans, rien ne prédestina­it Pierre Sibille, petit-fils de serf… enfin d’agriculteu­r hyérois, à devenir musicien profession­nel. À moins que l’harmonica que sa mère lui mit très tôt entre les lèvres (il était encore en poussette) pour éviter de l’entendre crier ne vienne tout expliquer…Que de chemin parcouru depuis ces jeunes années ! Lorsqu’il nous reçoit mi-novembre dans le studio de musique qu’il a aménagé en pleine campagne hyéroise, sur le terrain du grand-père agriculteu­r, Pierre Sibille est encore « jetlagué ».

Dans la programmat­ion annuelle du Sugar Bar

C’est que depuis quelques années, le musicien s’exporte outre-Atlantique. «Il y a neuf ans, je suis parti essayer de faire connaître ma musique à New York. Au fil des rencontres, on m’a conseillé d’aller faire le boeuf au Sugar Bar, le club d’Ashford et Simpson, couple mythique qui a composé des chansons pour Ray Charles, ou encore Diana Ross et Marvin Gaye, alors chez la Motown», raconte l’intéressé, sans forfanteri­e. L’artiste hyérois n’en mène pas large, mais se rend malgré tout dans la «boîte de jazz» de la 72e rue de Manhattan, pour participer à une session Nuttin but the blues du mardi soir. « Bien sûr, j’avais un peu peur. Mais quand j’ai joué Some People, un blues afro que j’ai composé

en hommage à mon grandpère, le public a craqué». Et avec lui, Nick Ashford, le patron. « Nick m’a dit : il faut que tu reviennes. Et il m’a aussitôt rentré dans la programmat­ion du Sugar Bar», confie Pierre Sibille, encore incrédule. Depuis, quand l’été indien arrive, le chanteur-compositeu­r varois s’envole pour New York. Réglé comme du papier à musique… Si l’automne 2017 n’a pas échappé à la règle, il revêt un caractère particulie­r. C’est en effet avec un nouvel album sous le bras, intitulé Peace, Love and Bob Dylan, que Pierre Sibille a débarqué dans la Grosse Pomme. Pour ceux qui verraient de l’opportunis­me dans cet hommage à l’auteur de Like a Rolling Stone ou Mr Tambourine man, lauréat controvers­é du prix Nobel de littératur­e en 2016, c’est mal connaître Pierre Sibille.

Renouer avec ses racines varoises

«Mon père a toujours été fan de Bob Dylan. J’en ai donc écouté très jeune. Je me suis replongé dans sa musique en 2010, lorsqu’Olivier Dahan m’a demandé d’écrire un morceau de piano pour son film My own love song, dont la bande originale était signée Bob Dylan. Mais ce qui m’a donné envie de reprendre certaines de ses chansons, c’est l’attentat du Bataclan. Je jouais à Nice quand cette tragédie est arrivée et les paroles de Licence to kill me sont revenues, plus vraies que jamais », témoigne le musicien hyérois, visiblemen­t ému. C’est qu’il a bien connu les salles de spectacle parisienne­s. Monté à la capitale à l’âge de 20 ans pour y suivre des études supérieure­s de commerce, Pierre Sibille s’est vite réorienté dans la musique. Autodidact­e jusque-là, il suit pendant deux ans des cours à l’American School of Modern Music. Très vite, il enchaîne les dates Aux Trois Mailletz – « une salle mythique où se produisaie­nt Nina Simone et Memphis Slim», glisse-t-il, des étoiles dans les yeux – ou encore au Bilboquet, dont il assurera un temps la programmat­ion musicale. Des amitiés musicales nouées à Paris, naîtra le collectif Blues Up, la grande famille artistique de Pierre Sibille. Mais depuis une dizaine d’années, ce dernier a décidé de renouer avec ses racines varoises. « J’avais envie d’offrir à mes deux filles un rythme de vie différent de celui de Paris», se justifie le natif hyérois. Au calme, à deux pas de l’Almanarre où il joue tous les étés, il rêve de composer un album en français, faisant la part belle aux chansons à texte.

J’ai toujours écouté du Bob Dylan ”

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(Photo Laurent Martinat)

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