«Pas des illuminés!»
L’association Écocitoyenneté entre mer et Estérel posera demain, avec Bio consom’acteurs Paca, une question devenue brûlante : agrochimie ou agrobiologie ?
Les produits alimentaires ne sont pas des produits de consommation comme les autres. Ils doivent être traités… à part ! » Le président de l’association Bio consom’acteurs Paca France, Bernard Astruc, est formel. Depuis toujours, entre agrochimie et agrobiologie, l’homme a fait son choix. Non sans raison…
Il y a quelques semaines, vous participiez aux États généraux de l’alimentation. Quel bilan en tirez-vous ?
Je me suis très vite aperçu que ces ateliers n’échappaient pas à l’emprise des syndicats agricoles dominants, le principal étant la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA). Par conséquent, nous n’avons pas fait, lors de ces États généraux, le travail qui consiste à construire l’alternative agricole et alimentaire que nous souhaitons. Nous avons donc décidé de faire nos propositions par écrit, en éditant « Le manifeste de la consom’action » (), autrement dit un plan stratégique global pour une agriculture et une alimentation durables.
Parmi vos propositions ?
Ce n’est pas un catalogue de « choses » à faire. C’est un vrai plan, articulé et cohérent, pouvant être applicable dès demain. Il balaie tous les aspects : la prise en considération des agriculteurs et de leurs revenus, avec la fixation de prix justes sans qu’ils ne soient excessifs pour le consommateur. Mais aussi une politique fiscale appropriée, incluant une éventuelle TVA réduite sur les produits bio. Nous l’avons envoyé au ministre de l’Agriculture, Stéphane Travert, ainsi qu’à tous les préfets de région et au coordinateur national des États généraux, auprès de qui nous avons sollicité un rendez-vous téléphonique.
Avez-vous eu des retours ?
Aucun, à ce jour. Mais il y a deux cas de figure : soit nos propositions sont prises en compte et, à ce moment-là, nous coopérons pour la mise en place d’une réelle alternative. Soit elles ne le sont pas, et on se dirigera vers une grande pétition nationale afin d’exiger un référendum permettant aux consommateurs de choisir leur agriculture.
L’agrobiologie étant, telle que vous la définissez, « la seule
solution d’avenir »…
C’est la seule agriculture qui respecte le cycle du vivant, c’est-àdire la fertilité naturelle des sols. L’agriculture conventionnelle, elle, ne produit ni la qualité ni la quantité et n’est plus rentable pour les agriculteurs. Ces derniers sont perdants sur tous les tableaux et, de surcroît, ils sont dans un marché où les prix de vente leur sont imposés. Or nous voulons que l’argent public serve à transformer l’agriculture. Et nous refusons d’entretenir un système dont on sait qu’il pollue l’environnement et empoisonne les consommateurs à petit feu. On a joué les apprentis sorciers, on a cru pouvoir se substituer à la nature dans la fertilité des sols et notre santé en paye les conséquences : cancer, Alzheimer, obésité, etc.
Le gouvernement a annoncé un plan d’investissement de milliards en faveur de l’agriculture mais, dans le même temps, supprime les aides au maintien de l’agriculture bio… Qu’en pensez-vous ?
C’est ahurissant. M. Travert, et ce n’est pas pour faire un jeu de mots, se met en travers du développement de l’agriculture biologique, hélas. Il avance le fait que celle-ci se développe beaucoup plus vite qu’ils ne pensaient et que, de fait, la capacité de financement ne suit plus… Alors que leur objectif était de tout faire pour créer de la demande ! Le ministre a alors suggéré que le secteur privé prenne en charge cette forte demande. Nous sommes face à une réelle démission de l’État. Comment espérer normaliser l’agriculture si cette dernière tombe entre les mains des acteurs économiques ? On peut tout redouter !
Justement, face au poids des lobbies, de l’argent et des intérêts, le combat n’est-il pas perdu d’avance ?
On pourrait le penser, c’est vrai, à moins qu’il y ait enfin des mesures prises pour une transformation de l’agriculture. Nous ne sommes pas des marginaux illuminés et ce n’est pas délirant ce qu’on demande. La preuve : une votation citoyenne se prépare en Suisse, permettant de se prononcer contre l’agriculture chimique. Nous pouvons le faire en France ! Seulement, pour cela, il faut que les consommateurs reviennent sur le devant de la scène. Ils doivent imposer la qualité de l’alimentation, et non plus subir en consommant ce que des agriculteurs manipulés par l’agrobusiness nous proposent. Aujourd’hui, c’est un fait, producteurs, transformateurs, distributeurs et revendeurs sont autour de la table, mais pas les consommateurs. Il faut que ça change.
Dans les supermarchés, le bio n’est pas toujours très…bio. Pas de quoi non plus booster la confiance des consommateurs.
Il n’y a qu’à voir dans les rayons, ils sont malins ! Ils mettent côte à côte des produits bio certifiés et d’autres plus naturels, sans gluten, sans caséine, etc. Ils ne jouent pas la transparence. Le marketing doit donc être lui aussi normalisé pour que les consommateurs ne soient
Qui peut encore dire que l’agrochimie est un progrès ? ”
plus trompés en permanence. Ne plus leur faire croire que les produits sont ceci alors qu’en réalité ils sont cela.
Que dire du renouvellement de l’autorisation du glyphosate ?
Le Centre international de recherche sur le cancer l’a classé comme étant potentiellement cancérigène. À partir du moment où un produit est nocif, le consommateur ne veut plus en entendre parler. C’est notre vie qui est en jeu ! Le Sri Lanka est bien parvenu à l’interdire… C’est un exemple à suivre.
Quelles actions déployez-vous pour pousser les esprits vers cette transition agricole ?
Notre message est : consommer bio, de préférence une agriculture locale, en vente directe, au marché ou dans les points de vente collectifs. Ensuite, outre les conférences dont le but est d’inciter les consommateurs à s’investir dans les associations pour faire entendre leur voix, nous sondons régulièrement les citoyens dans les supermarchés. Il n’y a qu’ainsi que nous pouvons percevoir leur niveau de conscience. Car qui peut dire, au bout de ans, que l’agrochimie est un progrès ? D’ailleurs, et ce n’est pas faute d’en avoir parlé aux États généraux, personne ne veut faire le bilan. Parce qu’il est catastrophique ! Il est grand temps que l’État prenne ses responsabilités. 1. Consultable en ligne sur : www.labioestdanslepre.fr/pdf/LIVRET-MANIFESTEPSG.pdf