Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Jacques Gamblin entre scène et mer

L’artiste présente ce soir et demain à Châteauval­lon Je parle à un homme qui ne tient pas en place, un seul en scène fruit de ses échanges amicaux avec le navigateur Thomas Coville

- PROPOS RECUEILLIS PAR PASCALE MAES

Je parle à un homme qui ne tient pas en place est une lecture à haute voix, avec vidéo, danse et musique, sur une histoire d’amitié entre Jacques Gamblin et le navigateur Thomas Coville. Le spectacle s’appuie sur les e-mails échangés entre les deux hommes, pendant le tour du monde à la voile en 2014 qui s’était achevé par un abandon du skipper. Rappelons que sa cinquième tentative fut victorieus­e, puisque le 25 décembre 2016, Thomas Coville a pulvérisé le record du tour du monde à la voile en 49 jours. Rencontre avec Jacques Gamblin, hier, quelques heures avant la première des trois représenta­tions données à Châteauval­lon.

Comment se sont initiés vos échanges avec Thomas Coville ?

Après notre rencontre en , notre amitié a rapidement pris forme et, comme nous sommes voisins en Bretagne, nous nous retrouvons et échangeons régulièrem­ent. Il m’a invité à participer à une course entre Saint-Nazaire et Saint-Malo, ce fut une expérience magnifique. Alors, lorsqu’il tente, en , pour la quatrième fois, de battre le record du monde à la voile en solitaire, je lui envoie des mails au fil des jours pour l’accompagne­r et l’encourager, tout en ne sachant pas vraiment s’il les reçoit. Ce n’est qu’au moment de son abandon qu’il m’envoie à son tour deux grandes lettres très belles et très profondes, dans lesquelles il tente de dire ce qu’il va chercher au loin.

De quelle manière ces échanges épistolair­es sont-ils devenus un spectacle ?

C’est plus tard, en relisant ces beaux écrits, que j’en ressens ce qu’ils ont d’universel, d’intime sur l’amitié et l’accompagne­ment, sur l’échec et ce que l’on peut en faire. J’ai eu envie de traduire cet abandon vécu par un ami dans l’écriture, et de l’oraliser. Après le temps de la reconstruc­tion, je lui fais part de mon idée de théâtralis­er ce voyage et nos écrits, et il accepte. J’ai par la suite appris qu’il a considéré cette nouvelle aventure comme un gage de réussite pour l’avenir, la réaction d’un compétiteu­r. A partir de ce moment-là, un travail scénograph­ique, avec Pierre Nouvel, s’est enclenché.

Quel est le retour des spectateur­s face à l’originalit­é de cette production ?

J’ai déjà joué ce spectacle une vingtaine de fois, les spectateur­s disent avoir été emmenés dans un voyage, avoir ressenti la parole vraie, son humanité, au-delà d’une lecture de textes. Ils ont compris le suspense que j’ai ressenti en lui écrivant tout au long de son périple. Cette dramaturgi­e révèle des aspects indicibles de cette vie de navigateur, ayant trait au physique, au mental, à la rareté de certains moments. Les gens sont touchés parce que l’histoire est belle, nous y avons mis de la légèreté et de l’humour car on ne touche pas les gens avec des histoires tristes.

Solitude, liberté, mise en danger… Des thèmes qui vous relient tous les deux ?

Outre le fait que nous partageons le même amour de la mer, lui en tant que navigateur et moi en tant que comédien, nous nous sommes acteurs de notre vie, nous tentons l’impossible, nous nous mettons en danger, même si le risque physique de survie est bien entendu plus important pour lui. Il court après un record du monde et je m’adonne à ce qu’il y a de difficile dans ma profession : mettre des mots sur des sensations, décrire des émotions, puis jouer ses propres textes. Le mental d’un sportif et d’un artiste se rejoignent, on entre sur une scène comme on part en mer en éliminant les pensées parasites.

Avez-vous un lien particulie­r avec Châteauval­lon ?

J’apprécie de me retrouver en cet endroit avec des personnes qui me sont fidèles, qui suivent mon travail alors que celui-ci varie et se renouvelle sans cesse. Cela va jusqu’à la coproducti­on, ce qui traduit un réel attachemen­t. Et puis, d’ici, j’aperçois la mer au loin, avec laquelle j’entretiens une passion.

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(Photo Patrick Blanchard) « Le mental d’un sportif et d’un artiste se rejoignent, on entre sur une scène comme on part en mer en éliminant les pensées parasites ».

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