Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Airbnb : une carte de paiement pour échapper au fisc ?

- THIERRY PRUDHON

Airbnb a démenti avoir mis en place un service de paiement suspecté de permettre la fraude fiscale aux propriétai­res qui louent leurs biens. Franceinfo a révélé hier que la plate-forme proposait à ses clients une carte de crédit rechargeab­le Mastercard Payoneer qui leur évite des transferts sur compte bancaire. « Payoneer n’est pas spécifique­ment utilisé par Airbnb, mais propose des services de paiement similaires à de nombreuses entreprise­s dans le monde », a déclaré un porte-parole d’Airbnb : « Nous rappelons à l’ensemble de nos hôtes de vérifier et respecter les réglementa­tions locales, y compris les règles fiscales. Airbnb envoie également un rappel fiscal aux hôtes chaque année pour qu’ils sachent exactement combien de revenus ils doivent déclarer à l’administra­tion fiscale ».

Un bon plan ?

Fondée en 2005 à New York, Payoneer dispose d’une filiale européenne établie à Gibraltar. Dans son enquête, Franceinfo évoque un « bon plan qui circule de bouche à oreille depuis trois ans chez les propriétai­res d’appartemen­ts » inscrits sur Airbnb... Le système, totalement opaque, permettrai­t de flouer le fisc. La radio rappelle que la majorité des « hôtes » (les propriétai­res d’appartemen­ts) touchent la somme qui leur revient de la part d’Airbnb via un virement sur leur compte bancaire 90% selon les chiffres de la société américaine... « Mais d’autres optent pour la carte Payoneer. Cette société américaine, qui émet des cartes de crédit rechargeab­les, a passé un accord avec la plateforme en 2014. En trois clics depuis son compte, un loueur peut obtenir une Mastercard aux couleurs d’Airbnb », explique la radio. Quand cette carte est souscrite par un résident français, l’intérêt est d’échapper aux impôts qu’il doit verser sur ses locations.. L’adjoint à la mairie de Paris chargé du logement, Ian Brossat, a estimé vendredi que le site « incitait ses hôtes à faire de l’évasion fiscale ». Comment la droite a-t-elle perdu une présidenti­elle qu’on lui promettait gagnée d’avance ? Armé d’une exaspérati­on chirurgica­le, Patrick Stefanini, vieux routier du gaullisme qui fut le directeur de campagne de François Fillon, avant de jeter l’éponge au moment du meeting du Trocadéro, distille son analyse, autoflagel­lation et écoeuremen­t mêlés, dans un livre d’entretiens avec Carole Barjon, journalist­e politique à L’Obs. Juppéiste de coeur, Stefanini dénonce volontiers l’acharnemen­t judiciaire qui a envoyé Fillon dans le mur. Mais il n’exonère en rien le fossoyeur des Républicai­ns de ses propres turpitudes. Le vainqueur de la primaire est campé comme une sorte de Mitterrand de droite, hédoniste et secret, la capacité de séduire en moins. Un Fillon peu enclin à sortir de sa zone de confort, au fonctionne­ment solitaire, caparaçonn­é, « toujours difficile à joindre et qui ne rappelle pas ». Un chef qui n’en est pas un, incapable de convertir l’or qui lui est soudain tombé dans les mains, le  novembre, en aventure collective. Patrick Stefanini lui fait grief de n’avoir prévenu personne, hormis le président du Sénat, Gérard Larcher, alors qu’il savait dès mi-décembre que Le Canard enchaîné enquêtait sur les salaires de son épouse. « Il a gardé ce secret par nonchalanc­e, pas par profession­nalisme. S’il nous avait donné quelques indices, nous aurions beaucoup mieux fait face aux révélation­s. » Le haut fonctionna­ire, membre du Conseil d’État, n’a pas été entendu lorsqu’il a, avec d’autres, suggéré à François Fillon de rembourser les salaires perçus par ses proches. « Ce geste n’aurait sans doute pas modifié le cours de la procédure, mais il aurait changé la donne politique. » Pour autant, Stefanini n’absout son camp ni de sa faillite collective, ni de ses mesquineri­es. «La primaire aurait dû se tenir au printemps, pour que le vainqueur se repose pendant l’été et crée les conditions d’un vrai rassemblem­ent. » À titre personnel, il regrette de n’avoir pas su insuffler une dynamique en amenant Juppé et Sarkozy à faire corps avec leur vainqueur. Les guéguerres intestines, les haines recuites, entre Sarkozy et Juppé d’une part, Baroin et Juppé d’autre part, comme le peu d’entrain d’Alain Juppé à retourner au feu, n’auront pas permis de désamorcer le désastre. L’obstinatio­n de Fillon à se maintenir coûte que coûte, confesse-t-il, a porté un coup à son admiration initiale. Patrick Stefanini a bu le calice jusqu’à la lie, l’ironie de Nicolas Sarkozy en prime : « Comment as-tu pu participer à ce désastre ? Comment as-tu pu t’associer à cette équipe qui a ruiné la droite ? » Un naufrage à la responsabi­lité largement partagée, malgré tout… S Déflagrati­on de Patrick Stefanini, chez Robert Laffont, 395 pages, 21 euros.

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