Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Encore enfant, déjà maman... Qui sont-elles ? Soins

Quels sont les ressorts de ces maternités précoces qui souvent répondent davantage à un désir de grossesse qu’à celui d’un enfant ? Quel destin pour celui-ci ? Colloque à Nice

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Une grossesse comme un arrêt sur images

Alors que l’âge moyen des mères à la naissance de leur premier enfant ne cesse d’augmenter, chaque année, en France, quelques milliers de jeunes filles parmi lesquelles des enfants de moins de 15 ans, deviennent maman. Quelles difficulté­s particuliè­res posent ces grossesses adolescent­es? Comment accompagne­r au mieux ces jeunes mamans et leurs enfants ? Ces questions faisaient ce mois-ci, l’objet d’une table ronde lors du colloque organisé par l’associatio­n ALC sur le thème : « Protéger

(1) de la naissance à l’âge adulte : un enjeu d’avenir ». « Toutes les maternités adolescent­es ne sont pas des maternités à problème, sur le plan psychologi­que au moins», précise d’emblée Brigitte Erbibou, psychologu­e et psychanaly­ste. Cette nuance apportée, l’adolescenc­e reste une période très particuliè­re de la vie, un moment de passage qui voit le jeune partagé entre la volonté de s’émanciper et la régression infantile. Qu’est-ce qui peut, dans cette période charnière, conduire de très jeunes filles à devenir des mamans ? Ont-elle vraiment un désir d’enfant, réfléchi, anticipé? Ou s’agit-il plutôt d’un désir de grossesse ? Brigitte Erbibou lance le débat. « La grossesse chez les adolescent­es ressemble souvent à un actingout (2). Soit une mise en acte non réfléchie, qui répond à la difficulté de la séparation ». Au niveau psychologi­que, l’adolescenc­e est, en effet, un temps de séparation, de profond remaniemen­t. « Les images parentales qui faisaient protection s’effondrent. C’est une période qui engage à l’autonomie: le bateau n’a plus de direction et attend que les ordres partent…», image Brigitte Erbibou.

Identifica­tion à l’enfant à naître

L’état de grossesse – et non le désir d’enfant – permettrai­t à certaines adolescent­es de retrouver une position régressive, idéalisée de l’enfant protégé. «Souvent, l’enfant qu’elles-mêmes n’ont pas été», note la psychanaly­ste. Chez ces très jeunes filles, la grossesse pourrait ainsi être interprété­e comme un renoncemen­t à la difficile question de l’émancipati­on. « A un moment où il faut choisir : se séparer et s’émanciper, entrer dans la société, s’engager dans un parcours profession­nel etc., l’enfant adolescent décide avec cette grossesse, de faire un arrêt sur images et de régresser en s’identifian­t à l’enfant à naître. » Lorsque l’enfant a été un « symptôme » de cette difficulté de séparation, que la grossesse a été un passage à l’acte, « une réparation à la béance », à terme, quel sera le destin de cet enfant non désiré ? « On peut ne pas désirer un enfant et bien l’accueillir », rassure aussitôt Brigitte Erbibou. A condition, pour ces très jeunes mamans, d’être accompagné­es par des profession­nels. «Il peut exister chez elles un refus inconscien­t de l’enfant qui est né : “Qu’est-ce que j’en fais ?” Il n’est pas rare non plus qu’elles souffrent d’un état dépressif après la naissance de l’enfant, surtout lorsqu’elles-mêmes sont issues de maternités instables.» Ce qui, dans les faits, est assez fréquent, avec une répétition de maternités précoces d’une génération à l’autre. Faute de socle de sécurité, l’enfant qui vient au monde dans ce contexte n’a pas a priori les mêmes chances qu’un autre de créer le lien d’attachemen­t nécessaire

et suffisant à son bon développem­ent psychique. « Lorsque l’on accompagne ces jeunes mères, il est essentiel de contribuer à cet étayage, même si elles-mêmes ne sont pas capables de le faire.» Offrant ainsi une chance à l’enfant de parvenir plus tard à dépasser les stades de séparation, à prendre confiance dans le monde, à devenir un individu unique, singulier, et pas une nouvelle victime d’une histoire qui bégaie …

 ?? (DR) ?? Souvent, c’est le désir de grossesse, plutôt que le désir d’enfant qui conduit à ces grosssesse. L’enfant n’a pas les mêmes chances de créer ce lien d’attachemen­t nécessaire et suffisant à son bon développem­ent psychique.
(DR) Souvent, c’est le désir de grossesse, plutôt que le désir d’enfant qui conduit à ces grosssesse. L’enfant n’a pas les mêmes chances de créer ce lien d’attachemen­t nécessaire et suffisant à son bon développem­ent psychique.

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