Rockefeller, la « vente du siècle »
Christie’s confirme pour le printemps 2018 la vente de la fabuleuse collection Rockefeller. Parmi d’inestimables chefs-d’oeuvre, une odalisque de Matisse peinte à Nice en 1923
Un événement chasse l’autre chez Christie’s. A peine remise du faramineux coup de marteau du Salvator Mundi de Léonard de Vinci, l’illustre maison confirme la vente de la collection David et Peggy Rockefeller au mois de mai 2018 à New York. Décédé en mars 2017 à l’âge de 101 ans, David Rockefeller, banquier et philanthrope, était le dernier petit-fils encore en vie du fondateur de la dynastie. L’estimation, non officielle, de cette « vente du siècle » avoisine les 700 millions de dollars. Pour faire monter la pression chez les collectionneurs du monde entier, Christie’s a dévoilé les premiers joyaux d’une collection riche de 700 pièces, constituée du vivant de David et Peggy Rockefeller ou transmise par les générations précédentes. On y découvre un chef d’oeuvre de la période Rose de Picasso, Fillette à la corbeille fleurie de 1905 - estimé aux alentours de 70 millions de dollars -, un Claude Monet de la série des Nymphéas annoncé à 35 M$ ou un tableau qui retient en particulier notre attention : une Odalisque couchée aux
magnolias d’Henri Matisse, peinte à Nice en 1923.
Record d’enchère en perspective
En 1917, l’artiste âgé de 48 ans, s’est installé dans la capitale azuréenne à l’Hôtel Beau Rivage. Après des années où il a expérimenté l’abstraction, raconte la directrice du Musée Matisse de Nice Claudine Grammont, il veut revenir à une peinture plus réaliste, plus colorée, comme une sorte de « rupture » qu’il mène notamment sous l’influence de Renoir, son grand aîné installé à Cagnes-sur-Mer. Le thème classique des odalisques, avec la représentation érotisée de ces femmes de harem, tantôt esclaves, tantôt concubines du sultan, a pu lui être inspiré par ses propres voyages au Maroc. Mais, « l’orientalisme est surtout quelque chose qui est à la mode dans ces années-là à Nice », révèle Claudine Grammont, dont le musée consacre un chapitre de son exposition actuelle à cette période de l’artiste. Jusqu’en 1918, notamment dans son appartement-atelier du Cours Saleya, Henri Matisse réalise avec son modèle Henriette de multiples odalisques dans lesquelles, détaille encore Claudine Grammont, « il s’intéresse inlassablement à la figure, à la représentation des corps dans l’espace, au travail sur le décor ». L’une d’elle, l’Odalisque au coffret rouge, datée de 1926, apparaît dans la collection permanente du Musée. Celle, antérieure, de la collection Rockefeller s’apprête à battre des records d’enchères. Décrite par Christie’s comme la plus importante oeuvre d’Henri Matisse jamais présentée à la vente, elle est estimée à 50 millions de dollars. Cette oeuvre témoigne aussi des liens étroits qu’entretenait la famille Rockefeller avec le peintre français dont la toute dernière oeuvre, une Rosace dessinée en 1954 juste avant sa mort, orne de nos jours encore une chapelle newyorkaise dédiée à l’un des membres de la lignée.