Pourquoi c’est si dur de faire cesser
Le cyber-harcèlement touche près d’un enfant sur deux en France. Des messages de haine proférés sur les réseaux sociaux, souvent en toute impunité. Comment lutter contre ce phénomène qui conduit certains adolescents au suicide? Il revêt différentes formes : messages de haine, incitation au suicide, insultes répétées, piratage de compte, lynchage 2.0, publication de photos compromettantes... En France, près d’un élève sur deux estime avoir été victime au cours de sa scolarité d’une agression en ligne, annonçait Najat Vallaud-Belkacem en 2015. La ministre de l’Education nationale présentait, l’an dernier, son plan contre le harcèlement sur i-Télé. « Le harcèlement est désormais un phénomène qui commence désormais parfois hors de nos murs, et qui se prolonge aussi hors de l’enceinte de l’établissement », décrit une principale de collège en insistant sur l’usage exponentiel – et souvent incontrôlé – des réseaux sociaux par les adolescents. Longtemps, des parents d’élèves persécutés par leurs camarades se sont vus répondre que les insultes sur Facebook relevaient de la « vie privée », excuse souvent brandie par l’administration lorsqu’elle n’a « rien vu » . Marion, Juliette, Laura, Madison... Quatre jeunes filles qui se sont suicidées, quatre cas de harcèlement grave où le torrent d’injures se déversait en flux quasi continu sur les réseaux sociaux. « Si cela avait existé lorsque j’étais au collège, je ne serais probablement pas là pour témoigner. Parce que ça devient du 24h/24. Moi je pouvais souffler. Au moins de 17 heures à 8 heures du matin », avance Noémya, 28 ans, victime de harcèlement entre la 6e et la 3e au collège de Vence.
« Une violence de proximité »
Pour les sociologues et chercheurs, cyber-harcèlement et harcèlement tout court ne doivent pas être séparés. « Il y a là aussi un rôle de prévention à accentuer au niveau de l’école. Le problème de la cyber-violence est lié à la violence en général, et c’est une violence de proximité, entre des gens qui se connaissent », affirme Catherine Blaya, présidente de l’Observatoire international de la violence à l’École et professeur à l’université de Nice-Sophia Antipolis. « Les jeunes n’ont pas cette frontière que nous avons artificiellement créée entre Internet et la vie. Les deux s’imbriquent », poursuit l’universitaire, pour qui il est essentiel d’aborder la problématique « de façon globale » : « d’abord à l’école, ensuite sur la Toile ». « On voit comment, après une bagarre de cour d’école, un jeune appelle ses amis par SMS et élargit la violence », explique Eric Debarbieux, ancien président de l’Observatoire de la violence à l’école et délégué ministériel à la Prévention de la violence scolaire dans un entretien au Café pédagogique. « Ou comment la bagarre physique se transforme en attaque sur les réseaux sociaux et Facebook. Ce qu’il faut bien comprendre c’est que cette forme de violence est ressentie très fort par le jeune. Quand il est attaqué sur Facebook c’est comme s’il était trahi par son univers familier. Il se retrouve très seul, démuni. Son univers s’écroule. »
Travailler sur l’empathie
«Sur Internet, les adolescents [...] peuvent laisser libre cours aux pulsions agressives qui caractérisent cette période de la vie, quitte, souvent, à se laisser emporter… Car injurier quelqu’un sur la Toile, c’est autre chose que de le faire en face à face, dans la cour de récréation, avec le risque