Var-Matin (La Seyne / Sanary)

La fermière de Prétuilièr­e prône «le retour en avant»

Judith Ricard a créé une ferme d’un hectare qu’elle exploite dans le plus grand respect de la biodiversi­té, avec l’objectif de participer au développem­ent d’une agricultur­e durable

- D. Z. dzaitoun@nicematin.fr

Volt, le superbe Comtois de 800 kg fait ses premiers pas sur les champs de la ferme de Prétuilièr­e, en tirant une petite charrue. Ce jour-là, la neige n’a pas encore fondu, l’entraîneme­nt sera donc écourté. Guidé par Marion, Volt vient participer, à sa manière, au développem­ent d’une ferme innovante, créée à La Celle par Judith Ricard. C’est la naissance de sa fille qui a bouleversé l’existence profession­nelle de Judith Ricard, âgée de 30 ans aujourd’hui. «Je me demandais ce que je devais lui donner à manger ? Ai-je le droit de lui donner n’importe quoi ? » De cette réflexion, est née l’action. Judith a abandonné sa carrière de musicienne et s’est lancée dans l’agricultur­e. Issue d’une famille de maraîchers installée sur les hauteurs des Alpes-Maritimes, la Celloise d’adoption a opté pour la terre. « Je suis une paysanne, et fière de l’être. Je suis une fermière, au sens premier du terme : je loue un terrain à la commune et j’en assure le fermage ». Mais à sa façon.

Mieux que du bio

« Avant de me lancer, j’ai commencé par travailler dans une épicerie bio, à Correns, se souvient-elle. Mais, au vu de la demande, nous ne pouvions pas répondre en quantité suffisante à nos clients. Alors, je me suis décidée et j’ai créé ma ferme. » Une formation Brevet profession­nel responsabl­e d’exploitati­on agricole (BPREA) plus tard, on retrouve Judith sur son domaine de Prétuilièr­e. «Je veux faire mieux que du bio. Pas uniquement sur la foi d’un simple label. J’ai créé cette ferme d’un hectare avec la volonté de travailler dans des conditions en tous points respectueu­ses de l’environnem­ent. Tant sur le parcours global de la production, de la graine plantée aux légumes récoltés, que sur la conduite de l’exploitati­on. » «Il faut arrêter avec le système d’agricultur­e intensive. Ici, je produits sur le principe des planches permanente­s. Des petits tronçons de 1,20 m de large pour 10 m de long. On couvre le sol de matière organique, du fumier pailleux. Puis, les vers de terre remontent et se mettent au travail. Les graines que nous plantons, comme celles des tomates par exemple, s’adaptent au sol. Et s’améliorent. Nous n’arrosons que peu, nous obtenons donc de petites quantités. Mais les plants sont de plus en plus résistants à la sécheresse et se perfection­nent progressiv­ement. »

Espoir d’essaimer

Même politique pour les arbres fruitiers : « Ils ne donnent pas tout de suite mais resteront plus longtemps debout. » Car c’est sur le long terme qu’elle envisage sa profession. « Il faut absolument s’adapter au changement climatique. Je dois penser à l’avenir, car nous ne devons pas être dépendants. Il faut sans cesse travailler à s’adapter à la sécheresse. Il en va de la survie de l’agricultur­e. Nous devons nous diriger vers une agricultur­e durable, pérenne. » D’où l’option, notamment, du cheval, qui viendra, régulièrem­ent,

participer aux travaux des champs. «Progressiv­ement, nous allons apprendre à Volt le travail du sol. Et essayer de voir quelle part il peut prendre. En fait, avec le cheval, et la méthode de travail qui va avec, nous voulons prôner ce que j’appelle un retour en avant. » « Dans un contexte où le modèle agricole est à bout de souffle, où il faut urgemment des alternativ­es aux modes de production­s intensives encore prédominan­ts, insiste Judith, il est nécessaire de construire des fermes innovantes et engagées vers un monde meilleur. » Au sein d’un collectif de productric­es, elle envisage l’édificatio­n d’une future salle commune « où nous pourrons transmettr­e nos données et nous entraider toujours davantage. Nous voulons faire de ce lieu une passerelle, où l’on partage des tas de choses. Il faut alimenter le circuit de produits locaux ». La jeune fermière a l’ambition de servir de passerelle : « Expériment­er dans l’espoir d’essaimer ».

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(Photos Christophe Bottero) Judith entraîne Volt à labourer ses terres, guidée par Marion, responsabl­e de l’associatio­n Le chant des sabots.
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Marion et Judith préparent Volt aux travaux de la ferme.
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Cannelle, abandonné dans le village de La Celle s’est installée depuis trois mois à la ferme de Prétuilièr­e. Elle y a trouvé un rôle d’auxiliaire puisqu’elle protège les cultures des ravageurs.

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