Var-Matin (La Seyne / Sanary)

A ghost story : le fantôme qui vous veut du bien

- PROPOS RECUEILLIS PAR PHILIPPE DUPUY jpdupuy@nicematin.fr

C’est une Charlotte Gainsbourg transfigur­ée que l’on découvre ce mercredi dans La Promesse de l’aube, d’Eric Barbier. Elle y joue Mina Kacew, la mère de Romain Gary, de ses trente ans à sa mort. Un rôle de vieille dame qui a nécessité un grimage conséquent, mais qui a beaucoup amusé la fille de Serge Gainsbourg et Jane Birkin. Emu aussi, car l’actrice a retrouvé en cette mère «extraordin­aire» beaucoup de traits communs avec sa grandmère paternelle, émigrée Russe. Sans maquillage, ni postiches, les cheveux noirs et coupés court, la voix bien assurée et le sourire aux lèvres, c’est une Charlotte encore métamorpho­sée (et visiblemen­t bien dans ses baskets) qui a répondu à nos questions…

Vous vous imaginiez jouer un jour le rôle de la mère de Romain Gary ?

Ah, ça non! (rires). D’autant qu’étrangemen­t je n’ai pas lu le livre pendant ma scolarité alors que mes enfants oui. Comme Yvan [Attal son mari, ndlr] avait reçu l’intégrale Gary pour son anniversai­re, je m’apprêtais justement à le faire quand Eric Barbier m’a proposé le rôle. Du coup, j’ai découvert l’histoire avec le scénario.

Le contexte résonnait sans doute avec votre propre histoire familiale…

Absolument. Mes grands parents ont émigré de Russie à peu près à la même époque et Mina m’a immédiatem­ent évoqué ma grand-mère, son accent à couper au couteau et sa dévotion pour son fils, mon père. Le cliché de la mère juive, archi-possessive, je connais bien. Je pouvais m’appuyer dessus pour composer le rôle.

Avez-vous reconnu quelque chose de vous en elle ?

J’espère ne pas être aussi monstrueus­e avec mes enfants (rires). Mais évidemment que le côté excessif de cet amour absolu me parle. Comme il parle à toutes les mères j’imagine. J’ai beaucoup de mal à la juger. Eric me poussait à la rendre monstrueus­e, mais pour moi elle est aimable et charmante. J’aime ses excès. Je vois bien le côté démesuré de cet amour, ce qu’il a de toxique le fait qu’elle vive par procuratio­n à travers son fils… C’est un amour nocif, mais porteur. Pour lui, en tout cas, quand on voit tout ce qu’il a réalisé. J’ai du mal à voir le négatif chez elle : c’était une époque difficile, elle n’avait pas beaucoup de choix. C’est une femme qui lutte et qui fait des choix de survie.

Vous avez été une enfant star. Vous êtes vous sentie exposée par votre famille comme Gary l’a été par sa mère ?

Quand je voyais le petit garçon qui joue Gary enfant, je me revoyais à son âge sur les plateaux où j’accompagna­is ma mère et mon père, puis un peu plus tard pour mes propres films. Je me souvenais du plaisir extrême que je ressentais alors de faire partie d’une équipe et de la tristesse au moment de la quitter quand c’était fini. La différence avec Gary, c’est qu’on ne m’a rien imposé. Mes parents ne vivaient pas le succès par procuratio­n, puisqu’ils étaient déjà célèbres tous les deux. J’ai eu envie d’être comme eux en les voyant faire, mais j’ai toujours été décisionna­ire. Ils ne m’ont jamais poussée.

Quel effet ça fait de se voir dans le corps d’une vieille femme ?

Malgré les trois heures de maquillage et la prothèse de corps, je crois que je n’ai jamais éprouvé autant de plaisir à jouer un personnage. D’habitude, j’ai l’impression de jouer une version de moi, plus ou moins proche. Là, j’ai joué le déguisemen­t, l’accent polonais, la voix forte, le faux corps, le vieillisse­ment… Ça m’a beaucoup amusée. Sauf, que je ressemble plus à mon père qu’à ma mère : en vieillissa­nt, je prends ses traits. Heureuseme­nt, quand j’enlevais le masque, je rajeunissa­is d’un coup de trente ans. Et ça, c’est magique!

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