Un jeune de 22 ans touché par trente plombs
Devant la cour d’assises des mineurs, l’avocat général a demandé contre l’accusé, âgé de 16 ans au moment des faits, une peine pour adulte
La peine requise contre le jeune Antoine, après presque deux heures de réquisitoire, est tombée hier soir de la bouche de l’avocat général Pierre Cortès comme un couperet : quatorze ans de réclusion criminelle. Le même quantum qu’il avait demandé en février dernier, devant la cour d’assises des mineurs des Bouches-du-Rhône, pour sanctionner des coups mortels en réunion sur un retraité de 79 ans, à Mimet, près de Gardanne, le soir du 31 octobre 2014.
Famille en colère
Dans ce procès en appel devant les jurés varois, la parole avait auparavant été donnée à Me Christophe Bas. Il représentait les intérêts des deux nièces de Jean Jelencik, qui le considéraient comme un père. En butte aux incivilités d’une vingtaine de jeunes des environs, qui depuis des années considéraient comme un jeu le fait de le provoquer la nuit, jusqu’à ce qu’il sorte de sa maison, il s’était trouvé confronté à trois d’entre eux. Ils l’avaient passé à tabac, et il était mort deux semaines plus tard, des suites d’un hématome cérébral. « Il est mort écrasé du pied, comme on écrase un nuisible, a-t-il lancé pour exprimer la colère de sa famille. Une colère qui donne soif d’une peine sans limite et sans mesure. » L’avocat général a demandé aux jurés de se transporter par la pensée sur la scène de crime, un lotissement de maisons construites à l’époque pour les mineurs de la région de Gardanne. Un endroit que des jeunes gens avaient choisi pour se réunir le soir, autour d’un abribus, pour s’amuser sans retenue en faisant du bruit, sans considération pour les riverains. Pour lui, le drame était dû « à leurs provocations, dans le but de tromper leur ennui en faisant intervenir Jean Jelencik qui ne demandait rien à personne ». Puisant dans les témoignages, Pierre Cortès a décrit l’instant fatal où la victime a subi des violences de la part de Gaël, de la jeune Angélique, qui n’avait pas fui avec les autres en voyant arriver le retraité en colère, et enfin par Antoine. « La colère, la haine, c’est ça votre moteur ,at-il dit à l’accusé. Parce que l’occasion vous est donnée de briller devant les autres. Des coups de pied dans la tête, des shoots puis des coups d’écrasement, portés avec acharnement. On n’est pas très loin de l’intention homicide quand on donne ces coups-là à cet endroit-là. »
Pas d’excuse
L’avocat général n’a pas eu la dent moins dure envers les familles d’Antoine et Angélique, qui avaient décidé de ne rien dire aux gendarmes pendant quatre mois. « Il a été pris par votre famille la décision de mettre un cadavre dans le placard de manière définitive. Le deuxième crime c’est celui des adultes, c’est l’enterrement de la vérité. Un bras d’honneur fait à la justice en disant : tout le monde se tait. » « Quant à la peine qu’il estimait juste, M. Cortès l’a proportionnée à la gravité du crime. » « La peine pour des coups mortels, c’est quinze ans. La réunion avec Gaël et Angélique porte le maximum à vingt ans. La diminution de peine pour cause de minorité réduit le maximum de moitié, de vingt à dix ans. Mais la loi prévoit qu’on peut l’écarter exceptionnellement, si la personne était âgée d’au moins 16 ans, compte tenu de la gravité des faits et de sa personnalité. » «J’avais requis quatorze ans à Aix-en-Provence, en proposant à la cour d’écarter l’excuse de minorité. Je prends les mêmes réquisitions aujourd’hui. » Ce matin, à la reprise de l’audience, la parole sera donnée au bâtonnier Jean-Louis Keita pour la défense de l’accusé.