Var-Matin (La Seyne / Sanary)

LaREM à l’épreuve de la politique migratoire

-

En pleine polémique sur le recensemen­t des migrants dans les centres d’hébergemen­t d’urgence, le ministère de l’Intérieur a lâché du lest, hier, sur son projet de loi immigratio­n prévu pour 2018, en renonçant à une mesure très contestée sur les demandeurs d’asile. Alors que le débat a gagné les rangs de la majorité, Emmanuel Macron a vanté une «politique équilibrée », hier, en Conseil des ministres, selon le porte-parole du gouverneme­nt Benjamin Griveaux. Le chef de l’Etat a aussi « rappelé » qu’une « politique équilibrée » était « faite d’humanité mais aussi d’honnêteté, à savoir que nous ne pouvons pas accueillir la totalité des personnes demandeuse­s du droit d’asile », a affirmé M. Griveaux. « La notion de “pays tiers sûr” ne figurera pas dans le texte », qui est « encore en calage », a déclaré une source au ministère de l’Intérieur, confirmant des propos du député LREM Sacha Houlié qui avait indiqué s’être entretenu, mardi soir, avec le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb. « Il nous a assuré que ce ne serait pas repris dans les textes qui seront présentés en 2018 », a-t-il dit sur Europe 1. Cette notion, qui figurait dans la version préliminai­re du projet de loi, permet de renvoyer un demandeur d’asile vers un pays par lequel il a transité, s’il apparaît que ses liens avec le pays sont assez forts et qu’il y bénéficie d’un niveau de protection conforme à la convention de Genève sur les réfugiés. Cette notion figurait surtout dans le texte pour permettre le renvoi vers le Brésil de demandeurs d’asile arrivés en Guyane, qui fait face à une immigratio­n haïtienne massive. Mais elle a été utilisée par l’Union européenne pour renvoyer des réfugiés syriens en Turquie. Malaise dans la majorité La politique migratoire de la France provoquera-t-elle le premier accroc de la République en marche ? L’option aujourd’hui, telle qu’elle est aujourd’hui exprimée par le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, repose sur deux jambes. D’un côté, les demandeurs de droits d’asile : ceux-ci auront droit à des formalités plus rapides. Leurs dossiers seront examinés dans un laps de temps de six mois, pas davantage. En cas d’acceptatio­n de leur dossier, ils seront régularisé­s, avec vocation à une meilleure intégratio­n dans la société française. De l’autre, tous les migrants baptisés économique­s, parce qu’ils viennent de pays qui ne connaissen­t pas la guerre, et ne sont attirés en Europe que par les difficulté­s rencontrée­s chez eux pour trouver chez eux de l’emploi. Pour ceux-là, selon le ministre de l’Intérieur, pas d’autre solution que de les reconduire aux frontières en vue d’une expulsion. Il faudra donc dans ce cas pouvoir distinguer ceux qui peuvent postuler au droit d’asile, et tous les autres. C’est ainsi que Gérard Collomb vient tout juste de demander aux préfets de procéder au tri entre les deux catégories de réfugiés dans les centres d’hébergemen­t d’urgence. Dans le projet proposé par le gouverneme­nt, une jambe peut séduire la droite, l’expulsion, d’ailleurs plus difficile à réaliser qu’on ne le croit, les « charters » n’y suffisant pas. Mais les facilités offertes aux demandeurs du droit d’asile ne suffisent pas à rallier la gauche à une politique migratoire que ses sympathisa­nts jugent inhumaine. La difficulté pour Emmanuel Macron et Edouard Philippe est que le mouvement La République en marche ! est composé de Français qui viennent de la gauche et d’autres qui, «en même temps », viennent de la droite. Le gouverneme­nt est à cette image, ainsi que le groupe parlementa­ire LaREM à l’Assemblée nationale. Alors ? Verra-t-on les députés LaREM se déchirer les uns les autres ? Y aura-t-il, parmi eux, des « frondeurs » ? C’est trop tôt pour le dire. D’abord parce que le projet Collomb n’est pas encore gravé dans le marbre, et qu’il peut encore être modifié par le chef du gouverneme­nt ou par les députés. Ensuite parce que chacun, à droite et à gauche, sait bien que la France ne peut accepter, selon le mot ancien de Michel Rocard, « toute la misère du monde » et que, comme l’avait dit François Mitterrand, il y a un «seuil» au-delà duquel l’opinion publique bascule. On l’a vu en Allemagne récemment où l’accueil fait par Angela Merkel à un million de réfugiés a sérieuseme­nt entamé son capital électoral. Le débat, en France, peut donc raviver les fractures. Le groupe parlementa­ire macronien a accepté, sans broncher jusqu’à aujourd’hui, toutes les réformes proposées par le gouverneme­nt. En sera-t-il de même pour le droit d’asile et les expulsions ? Ce sera dans les mois qui viennent, un test, à coup sûr, de la solidité de la majorité.

 ?? (Photo Franck Fernandes) ?? « Nous sommes un mouvement de citoyens. »
(Photo Franck Fernandes) « Nous sommes un mouvement de citoyens. »

Newspapers in French

Newspapers from France