«Avant Macron, les choses étaient plus tranchées»
Après un rude combat sur le terrain, Geneviève Levy a attaqué son dernier mandat parlementaire dans une opposition bien différente de celle du mandat précédent
Elle a déjoué les pronostics qui lui prédisaient la campagne de trop, et assure depuis juin, son quatrième mandat au Palais Bourbon. La députée Les Républicains de la première circonscription du Var, Geneviève Levy, a entamé ce qui sera, elle le sait et ne le cache pas, son dernier mandat parlementaire. Sans doute aussi la raison pour laquelle elle s’affirme avec une ardeur et une volonté retrouvées, ne laissant à personne le soin de galvauder sa parole… Et prouvant toute la légitimité de sa place dans l’hémicycle.
Comment se sont déroulés vos premiers mois dans l’ère Macron ?
C’est assez surprenant et très nouveau. La position qui est la nôtre dans l’opposition est très différente de ce que nous avons connu dans le précédent mandat. J’ai eu la chance de faire deux mandats dans la majorité, le mandat précédent, dans l’opposition, avait au moins le mérite d’avoir des choses plus tranchées, plus claires. Et sans doute aussi plus simple à intégrer et à vivre. Je n’ai jamais eu une opposition systématique ; il y a des choses acceptables et ce qui me paraît acceptable, je le vote. D’ailleurs, dans notre groupe, nous avons une totale liberté de vote, ce qui n’est pas forcément le cas dans la majorité LREM. Reste que nous avons un président fin stratège : il nous (l’opposition Ndlr) place dans une situation délicate…
Parce qu’il reprend des éléments du programme de la droite ?
C’est cela. Beaucoup des éléments de programmes que nous défendions se retrouvent dans les mesures d’Emmanuel Macron, sans qu’il n’aille jamais au bout. Du coup, nous devons beaucoup plus analyser, juger, jauger…
Quand il augmente l’allocation pour jeunes adultes handicapés, vous êtes obligés de voter le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, non ?
Dans l’absolu, j’y suis favorable bien sûr. Mais en même temps, il donne sur la politique familiale des signaux d’alerte pour lesquels nous ne pouvons pas être d’accord (Geneviève Levy n’a pas voté pour le projet de la loi de finances de la sécurité sociale Ndlr). Et puis, on a quand même un discours qui est vraiment dans la communication et qui, souvent, ne va pas au fond des choses.
Vous avez un exemple en tête ?
Reprenez les déclarations de M. Darmanin en matière de budget : il nous assène des éléments qui ne sont pas fondés. Regardez surtout ce que l’on ne dit pas sur la réduction des déficits par exemple. En , les choses vont encore se dérouler normalement, mais les difficultés sont à la porte de . Il faut aussi anticiper. Les décisions concernant les offices HLM sont mortifères (la députée s’en est d’ailleurs ouverte lors d’une séance de questions au gouvernement, Ndlr) .Ilyaun aspect très flou dans la politique menée par Emmanuel Macron, qui nous inquiète. Voyez la taxe d’habitation : quand on dit “on va compenser pour les communes à l’euro près”… Ce sera sans doute le cas pour la première année, mais ensuite ? La vision d’Emmanuel Macron très centralisatrice de la vie politique et de l’organisation administrative du pays est inquiétante. En même temps que l’on supprime des aides, des participations, etc., on charge les territoires et les communes d’obligations qui n’existaient pas avant.
Parmi les mesures votées par les parlementaires, il y a la police de sécurité du quotidien sur laquelle les consultations se poursuivent…
Je veux bien que l’on essaie, mais il existe déjà la police municipale… Là, on va recruter puis former, ou alors puiser dans les rangs de la police nationale pour une présence dans les quartiers sensibles. La police nationale est déjà en difficulté pour remplir ses missions. Quid de l’efficacité ? Un exemple : nous avions deux policiers en retraite, délégué police population. Dans les quartiers sensibles, nous avions un policier en retraite, un délégué police population qui faisait un travail remarquable. Il avait su créer du lien. Fin septembre, on a arrêté sa mission faute de crédits. Alors, face aux effets d’annonce, je me dis : quand les choses fonctionnent, pourquoi s’en priver? C’est dommage.
Vous vous êtes abstenue sur le vote de confiance à Édouard Philippe et son gouvernement…
J’ai beaucoup réfléchi. Pour moi, il n’était pas question de voter contre. Mais voter pour me gênait beaucoup, même si un certain nombre de mesures se rapprochaient de celles qui comptaient dans notre programme. C’est rare, dans l’historique de mes votes, que je m’abstienne. J’ai hésité jusqu’au dernier moment, entre voter pour et m’abstenir. J’ai fait l’objet d’ailleurs de beaucoup de critiques. Mais nous avons une liberté de vote. Si tel n’était pas le cas, j’aurais peut-être une autre approche des choses. Il y a une discipline de parti, mais une discipline partagée.
Sorti très affaibli des dernières élections, LR vient de se doter d’un nouveau chef. Laurent Wauquiez est-il le bon leader pour reconquérir l’opinion ?
LR est sorti broyé vous voulez dire ! Il faut être lucide sur les conditions dans lesquelles on a perdu, surtout aux législatives. C’est difficile de s’en remettre rapidement. Quand Laurent Wauquiez est arrivé à l’assemblée, Jacques Barrot, qui était président de notre groupe, m’a demandé de partager mon bureau et ma collaboratrice avec Laurent Wauquiez. Nous avons cohabité et avons noué une réelle amitié, qui perdure. Quand il a créé son mouvement de droite sociale, j’y ai adhéré parce que c’est ce en quoi je crois. C’est vrai aussi qu’il a eu des dérives un peu trop à droite, mais il s’est calmé à ce sujet. Je reste convaincue que, dans le contexte qui est le nôtre aujourd’hui, il a la capacité d’être un chef. Et je suis persuadée que nous pourrons retrouver une véritable place dans l’opposition.
D’ici au printemps, les parlementaires seront consultés sur le projet de loi « immigration - asile ». Quel est votre avis sur la question ?
Pour le moment, on ne connaît pas encore les mesures telles qu’elles seront arrêtées par le gouvernement dans son projet de loi et je ne sais que ce que j’ai pu lire (ou entendre dans les couloirs de l’Assemblée). Nous – Les Républicains – avons jusqu’ici reproché au président de la République et au gouvernement de ne pas mettre à l’ordre du jour un texte susceptible d’apporter des réponses aux attentes des personnes concernées. D’abord celles qui sont regroupées sous le terme de « migrants » – ce qui recouvre des situations différentes –, mais aussi des élus, des préfets, etc. Aussi, je ne peux qu’approuver la décision prise d’un projet de loi qui sera présenté dans le courant du prochain semestre.
Et sur le fond ?
Les mesures annoncées me paraissent conformes aux engagements pris par le président de la République. J’approuverai donc toutes mesures visant à réduire les délais d’attente de traitement des dossiers des demandeurs d’asile, à augmenter les places dans les centres de rétention administrative et aux mesures assurant le suivi des reconduites aux frontières de ceux qui sont déboutés de leur demande. Le droit d’asile doit être respecté, encadré et strictement appliqué à la fois sur les cas qui en relèvent – et pour cela il faudra donc que le texte les précise –, mais aussi sur le suivi des personnes qui en seront bénéficiaires. La situation de ceux qui ne souhaitent pas demander l’asile à la France et qui cherchent à aller vers un autre pays (principalement la Grande Bretagne) n’est pas réglée. Le projet de loi ne peut y répondre puisque cela relève d’accords européens, qui, pour le moment, n’apportent aucune réponse concrète.
‘‘ Je ne suis pas dans une opposition systématique”