Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Injures homophobes répétées à Cannes : les raisons d’une relaxe

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

Un simple problème de stationnem­ent dans une copropriét­é de Cannes a tout déclenché. Deux jeunes retraités, en couple depuis des décennies, venus couler des jours heureux après une carrière bien remplie, se faisaient pourrir la vie par un voisin. Ils subissaien­t régulièrem­ent des jets de détritus sur leur terrasse, du vandalisme mais surtout des insultes homophobes répétées. Epaulés par l’avocate niçoise Me Christelle Hallot et le centre LGBT de Nice (associatio­n des Lesbiens, gays, bi et trans), les deux Cannois ont fini par déposer plainte au commissari­at. Dans le sas d’une agence bancaire, ils venaient d’enregistre­r sur leur smartphone les propos insultants de leurs interlocut­eurs : « Salut les filles ! Je vous enc... toutes les deux salo .... Ça répond pas là, espèce de trouillard­s. Tu veux m’arracher les c... T’as l’habitude d’arracher les c...» Exemple d’un florilège de propos orduriers qui a débuté en avril 2016 et s’est poursuivi jusqu’en en juin dernier.

Stupeur et déception

Le jugement vient de tomber : l’individu, un commerçant de 45 ans, a été relaxé et le parquet ne fera pas appel. Stupeur et déception du couple d’autant que le procureur de la République avait, lors du procès, appuyé les conclusion­s de son avocate. « C’était la première fois en quatre ans que je parvenais à mener une telle procédure jusqu’au bout », confie Me Hallot. « On a rarement des preuves d’un comporteme­nt homophobe qui se banalise, souligne l’avocate niçoise. Et cette fois, nous avions une vidéo. » L’enquête n’étant pas assez rapide à son goût et redoutant une prescripti­on des faits, l’avocate a cité directemen­t le voisin de ses clients devant le tribunal correction­nel pour « injures publiques envers une personne en raison de son orientatio­n sexuelle ». Et ce malgré une consignati­on de 1 500 euros. « Une somme très élevée au regard de leurs 24 000 euros de revenus annuels», note Me Hallot. Les plaignants sont arrivés forts de plusieurs attestatio­ns de voisins qui démontrent que « ces insultes s’inscrivent dans un contexte », précise l’avocate.

Une procédure semée d’embûches

Sauf que la plainte visait une diffamatio­n et des injures publiques. Or juridiquem­ent, ces deux délits ne sont pas démontrés, selon le tribunal. « Le sas d’une agence bancaire, qui plus est fermée le jour des faits, ne peut être considéré comme le lieu d’injures publiques », explique un magistrat qui s’appuie sur « une jurisprude­nce stricte ». Même analyse du côté de la défense du voisin homophobe, Me Ricord. Les injures non publiques ne constituen­t plus un délit mais se transforme­nt en simple contravent­ion. Et les premières insultes, les plus anciennes, étaient prescrites puisqu’elles remontaien­t à plus d’un an. Le parquet de Grasse, lui, regrette pour sa part que les plaignants et leur avocate n’aient pas laissé la police enquêter en choisissan­t la procédure de la citation directe. L’associatio­n LGTB reste circonspec­te tant la procédure pénale pour réprimer l’homophobie lui paraît semée d’embûches. « Je ne comprends pas pourquoi le tribunal a estimé que les propos du voisin étaient simplement grossiers et non homophobes. Je ne vois pas dans le jugement que les juges aient statué sur le caractère public ou non des insultes.», s’insurge Me Hallot. « Encore récemment, un gamin à l’apparence très androgyne a été agressé dans un bus en raison de son physique. Nous n’avons aucune nouvelle du parquet de Nice », regrette l’avocate.

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(Photo Ch. P.) Me Hallot, déçue que l’agresseur de ses clients n’ait pas été déclaré coupable.

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