Var-Matin (La Seyne / Sanary)

À Bon-Accueil, les collégiens dans la peau des migrants

Trente collégiens tentant de réaliser le parcours des migrants. C’est l’aventure un peu folle qui s’est tenue vendredi dernier dans les murs de l’externat Bon-Accueil. Reportage

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h25. Salle Savio 11, les vingt-huit élèves de la 4e rouge sont assis à leurs tables. Un vendredi comme les autres à l’externat Bon-Accueil. Mais Franz Antoci, le prof d’Allemand et d’histoiregé­o, est accompagné d’anciens et d’actuels étudiants en master 2 Migrations et droit des étrangers, de la faculté de droit de Toulon. Sous le bras des jeunes gens, un jeu de rôle plutôt atypique : « Sur la route avec les migrants ». Une façon pour les collégiens de se faire leur idée sur ce sujet brûlant et d’aborder de façon concrète le chapitre de géographie consacré aux migrations. Mais attention, « on ne joue avec la vie des autres ! Le support du jeu ne diminue pas l’intensité de ce que vous allez vivre… », prévient Pierre-Jean Allard, étudiant au sein de ce M2 l’an dernier et principal concepteur du jeu.

8h40 . Pierre-Jean, Franz et Sequoya, une ancienne du master, distribuen­t à chaque élève un vrai-faux passeport (1). Chacun contient l’identité et l’histoire d’un personnage que se doit de jouer chaque collégien. Le document présent entre les mains fait découvrir le destin de MarieJosée, une Rwandaise de 20 ans dont les parents sont morts en 1994 (lors du génocide des Tutsis) et qui, du fait des exactions des soldats, a une peur bleue des hommes. Craintive, elle a « beaucoup de difficulté à aider les autres », précise le passeport. « Toutes les histoires sont vraies, mais nous les avons atténuées pour les adapter aux collégiens… », souffle Seybanou Barro, une étudiante sénégalais­e ayant participé à la création du jeu.

8h50 . Voici les élèves/migrants dehors. Ils ne sont plus dans la cour de récréation, mais en « République du Transitist­an », qu’ils doivent traverser pour entrer en « Terre Promise». Seybanou les coince. Elle n’est plus étudiante mais passeur. « Vos familles m’ont payé 100 000 dollars pour vous mener en Terre Promise. Vous allez traverser des déserts, des montagnes, la moitié sera morte avant! », crie-t-elle. Avant de littéralem­ent dépouiller les passeports de leurs faux billets. « Toi, 100 dollars, toi, 20! » MarieJosée tend 150 000 roupies indonésien­nes, en prenant grand soin de cacher le reste de l’argent. Le voyage va être long.

9h00 . Dans le stade, rebaptisé « la plaine du Sahara », les migrants tombent sur deux mineures abandonnés jouées par des étudiantes. Faut-il les emmener ? « Oui ! », lancent les uns. « Non ! », rétorquent les autres. Marie-Josée n’en a aucune envie. Et si elles étaient liées aux génocidair­es ? Les faux réfugiés forment des équipes, désignent un champion devant aller récupérer un foulard

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(Photos Dominique Leriche) Vingt ou cent dollars, c’est le tarif pour traverser le « Transitist­an » Frontex veut bloquer les collégiens ? Ils forcent. Les douaniers sont plus coriaces...

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